C’est ainsi que tout s’achève

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Elena, fraîchement séparée de son mari, vient vivre dans une maison qu’elle loue. Totalement désorientée par cette séparation, elle essaie doucement de reprendre pied et de se remettre à écrire alors qu’elle avait perdu l’inspiration. Errant dans la maison, elle se met à observer ses voisins, une famille composées des parents et d’un fils au lycée. Intriguée par le comportement de plus en plus étrange de la famille, elle commence à passer ses journées devant la fenêtre, jusqu’au jour ou elle se décide à intervenir.

Caroline Eriksson

214 p.

Presses de la Cité

Hon som vakar, 2017

Ma Note

Note : 4.5 sur 5.

Le Polar scandinave n’a pas encore dit ses derniers mots, Caroline Eriksson en est la preuve la plus brillante. Cette dernière quinzaine d’années, il y a floraisons de romans dans le genre, nombreux sont les auteurs qui se sont engouffrés dans la brèche, avec plus ou moins de bonheur. Par bonheur, on – je parle du lecteur de romans policiers – peut encore être surpris, et l’auteure suédoise a totalement su me prendre au dépourvu. Il est heureux qu’on puisse encore se retrouver totalement bouche-bée devant un texte, dont on croyait deviner l’issue, mais qui finit par nous échapper doucement mais surement des mains.

 Un couple brisé, une jeune femme en panne d’inspiration, au creux de la vague de son existence, échouée dans un foyer qui n’est pas le sien, totalement vidée. Un bon matériau de travail et de départ, à l’évidence. La voilà qui se prend à observer les va-et-vient de la famille d’en face. Une bonne dose de Fenêtre sur Cour, là-dedans sans nulle doute. D’autant que le comportement de la famille est intriguant et que l’imagination galopante de l’écrivain qu’est Elena a planté sa graine et s’accroît allègrement grâce au terreau que lui apporte Léo, le fils de la famille. Fascination, presque morbide, Crainte, Angoisse, sensation d’oppression, on peut dire que Caroline Eriksson sait planter un décor, et créer une atmosphère. Si vous appréciez Hitchcock, je ne m’avancerai pas vraiment en vous conseillant ce roman psychologique plus que policier, en vérité. 

Veronica, Leo, Philippe, ses voisins qu’elle observe, écoute, suit pendant que sa vie à elle est en pause. Visionner le film des autres pendant que le sien est en bobine vierge. Nous-mêmes, lecteurs occupés à regarder Elena de plus en plus absorbée par ce qu’elle voit, c’est un roman enchâssant, un genre de labyrinthe qu’Elena parcourt au fur et à mesure de ses découvertes sur la famille Storm, qui ne la mènera certainement pas là où elle pensait. Et où le lecteur s’attend, évidemment.  

La contemplation d’autrui comme une révélation fascinante sur soi-même, la fascination malsaine des secrets de son semblable pour mieux enterrer les siens, enfouir ses propres turpitudes dans le dépouillement minutieux des tares des autres. La fuite en avant d’Elena, une sorte d’échappatoire de son couple et de sa vie, dans l’existence qu’elle pense être de ses voisins, cette remise en question entraîne le lecteur, minutieusement préparé à un ultime coup de théâtre, directement vers quelques déconvenues, très finement mises en place. Eriksson est habile, et je suis tombée tout droit dans le piège qu’elle a soigneusement tendu ! Son récit est rythmé de sorte à tenir son lecteur en haleine, impatient, éprouvé face à la menace qui grandit peu à peu chez ces mystérieux voisins.

Un roman psychologique plus que policier, qui nous plonge dans le huis clos d’une famille mystérieuse, dans l l’abyme de la folie habilement dissimulée derrière 1’épaisse couche de normalité : effrayant et fascinant à la fois. Vrai roman Hitchcockien, dans la mesure ou l’angoisse va crescendo, même s’il détourne quelque peu les repères du maître et qu’il choisit de prendre sa propre direction, qui n’en est pas moins réussie ! Une grande remise en perspective que nous fait là Caroline Eriksson, qui a choisi d’exploiter les noirceurs de tout à chacun, une remise en perspective de cette identité de l’écrivain et de ses sujets d’inspiration et surtout la manière d’accepter et de dépasser ce fond de nous qu’on ne souhaite pas forcément voir dévoiler au grand jour.  

Ma sœur suit mon regard. Je devine qu’elle s’interroge, mes élucubrations sur mes voisins sont encre fraîches dans sa mémoire. Touchant d’un doigt prudent le pansement sur mon front, elle demande enfin ce qui s’est passé. Mais je ne peux pas aborder ce sujet. Mon trouble, ma confusion entre ma propre vie et les évènements dans la maison d’en face….

Un roman trompe-l’œil qui semble mélanger les genres, mais ne le fait pas finalement, et qui pousse à mener une réflexion sur sa propre nature, jamais exempt de noirceurs. De cette observation addictive un poil malsaine, pénétrer l’intimité profonde des gens, d’autant plus que l’on ne les connaît pas, n’est jamais sans conséquence et Caroline Eriksson a eu le don, à travers une prose rondement bien menée, d’avoir su jouer de ces ersatz de miroirs pour mener son lecteur par le bout du nez. Laissez-vous donc surprendre par cette fiction à multiples facettes, je suis quant à moi prête à lire ce qu’elle a écrit avant cela ! 

Je mords dans ma tartine et jette un coup d’œil dehors. À cet instant précis, la femme à la queue-de-cheval apparaît sur le seuil de sa maison ; Elle porte un manteau chic et des lunettes de soleil qui lui mangent la moitié du visage. Elle m’évoque une star de cinéma d’antan, froide et élégante. Mais je t’ai vue, lance alors une voix en moi, je t’ai vue t’acharner sur les fleurs. Je la suis du regard jusqu’à ce qu’elle tourne au coin de la rue. L’homme au costume est manifestement rentré de son voyage hier, car il a également quitté la maison peu après mon entrée dans ma cuisine. Le dos droit, ses chaussures bien cirées, il s’est hâté de sortir, tenant d’une main ferme sa mallette, avec l’air stressé d’un homme important qui s’en va à des affaires tout aussi importantes. Nous sommes aux antipodes l’un de l’autre.

Ma tartine n’a aucun goût. Je jette le reste à la poubelle et me lève de table. Que m’a recommandé mon contact à l’agence, déjà ? Une balade ?

J’enfile un pantalon usé, un pull confortable et une doudoune sans manches. Tout à coup, je me trouve dehors, pour la première fois depuis plusieurs jours, et examine les environs. La cour est déserte, encerclée par les maisons mitoyennes, comme lovées à la manière d’un animal endormi. J’avance à pas lents sur l’allée sinueuse. Je devrais prendre à gauche, vers la rue. Je n’ai aucune raison valable de continuer tout droit, dépassant buissons et poubelles, jusqu’à l’autre côté de la cour.

Pour aller plus loin

On l’appelle le Cauchemar. C’est un lac à l’eau noire et stagnante, quelque part en Suède, dont la légende raconte qu’il est maudit. Au milieu du Cauchemar, il y a un îlot. Sur cet îlot, Alex et la petite Smilla vont faire une promenade, tandis que Greta les attend dans la barque amarrée au rivage, puis s’endort. À son réveil, la nuit tombe et seuls retentissent au loin les cris lugubres des oiseaux aquatiques. L’homme et la fillette ont disparu. De retour dans le cottage que la petite famille occupe au village, Greta fouille chaque pièce et tente en vain de joindre Alex. En proie à la panique, elle décide de se rendre au commissariat. Seulement, sur place, un policier lui annonce qu’elle n’est pas mariée et n’a jamais eu d’enfants. Qui sont Alex et Smilla ?

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