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Siobhan Clarke fait partie de la division des crimes graves de la police d’Édimbourg. Alors qu’elle est en congé, une affaire vient de tomber, le corps de Salman bin Mahmoud, vingt-trois ans, étudiant, en école de commerce, fils de saoudiens richissimes vient d’être retrouvé. En enquêtant sur la vie du jeune homme, elle découvre que celui-ci était amis avec d’autres étudiants de bonne famille, qui baignent dans le milieu de l’immobilier. John Rebus, de son côté, à peine retiré de la vie active, doit rejoindre sa fille Samantha, dont le conjoint Keith vient de disparaître mystérieusement. Depuis leurs problèmes de couple, ce dernier s’était isolé.
Ian Rankin
382 p.
Editions Le Masque
A song for the dark times, 2020
Ma Note

Partons en Écosse où je ne suis pas retournée depuis le deuxième article du blog avec un auteur archi-connu, Wikipédia parle de l’auteur le plus lu du Royaume-Uni, sauf par moi visiblement. Je suis donc rentrée sans a priori aucun dans le roman à la pointe de l’actualité puisque le Brexit y apparaît, non pas comme une perspective éloignée mais comme une rupture imminente. Ian Rankin fait reprendre du service à son détective-phare John Rebus, lequel va s’attacher à aider sa fille avec laquelle il n’entretient, bien entendu, pas de bonnes relations. L’auteur écossais fait également la part belle à l’ancienne coéquipière de Rebus au sein de la division des enquêtes criminelles, Siobhan Clarke, laquelle, il me semble, ne manquera pas de prendre du galon dans les prochains romans de Rankin.

Les principales qualités qui m’ont donné envie de lire ce roman policier, se rapporte à l’attrait qu’exerce sur moi une ville comme Édimbourg, à ces fameux paysages brumeux écossais tout à fait adaptés pour contenir une sombre histoire mystérieuse et criminelle et à la réputation de l’auteur déjà bien établie. Un fils de bonne famille saoudienne assassiné, un crime à première vue raciste, on est en plein dans l’actualité, l’auteur l’a compris. Tout comme l’éclatement des familles qui une des problématiques sociétales de ce monde moderne et dont l’Écosse n’est évidemment pas exemptée. Les histoires, comme les personnages, tous autant qu’ils sont, sont pris dans une sorte de morosité ambiante et John Rebus n’est pas là pour détendre l’atmosphère, visiblement.
Des gosses riches harcelés par les crétins du coin. Mais on rapporte deux incidents du côté des Meadows. Les étudiants se sont organisés de façon à ce qu’aucun d’entre eux ne se retrouve là-bas la nuit. Et puis, il y a l’angle racial: le Brexit engendre une hausse des faits d’agression, surtout verbale, mais aussi physique, à l’occasion.
Deux enquêtes s’entrecroisent : l’une qui nous entraîne simultanément dans les bas-fonds et les beaux quartiers d’Édimbourg tandis que l’autre prend ses racines dans les coins reculés d’Écosse, ce joli petit village de Tongue, ces endroits même ou l’on serait tenté de se dire qu’il ne s’y passe jamais rien. Mais l’Écosse ne fait pas exception à la règle qui veut que tout se passe parfaitement bien sous réserve que l’on garde la tête suffisamment enfouie dans le sable, façon autruche. Dans l’une comme dans l’autre enquête, Ian nous permet de pénétrer dans l‘Ecosse pleinement citadine à travers sa capitale mais aussi dans ses contrées reculées, plus précisément ici dans le Nord et son littoral côtier, dans ce village de Naver, peut-être bien pour montrer que les noirceurs des gens se devine aussi bien en ville que dans les replis des coins plus sauvages. L’auteur joue donc sur deux tableaux différents, le premier qui recèle tous les éléments des excès de la jeunesse – et des moins jeunes d’ailleurs dorée citadine, drogue, sexe, vanité, l’autre sur les pans moins reluisants de l’histoire écossaise, à savoir les camps qui ont abrités des réfugiés de la seconde guerre mondiale.
J’ai eu une nette préférence pour la seconde investigation, celle qui prend place dans les côtes sauvages de l’Écosse. Même si l’enquêtrice Siobhan m’a été tout à fait sympathique, il me semble en outre que c’est le duo qu’elle constitue avec l’autre inspecteur Malcolm Fox qui pimente cette enquête qui, ma foi, ne m’a pas paru si digne d’intérêt que cela. La haute-société Edimbourgeoise est dotée des mêmes travers que la Londonienne, la New-yorkaise, la Parisienne ou la Moscovite, les passions ne se réinventent pas, la jalousie, l’avarice, l’avidité, et plus encore le racisme restent les mêmes ou qu’ils soient. En revanche, comme je le précisais plus haut, la seconde investigation qui débute par la disparition du gendre du détective star John Rebus est bien plus captivante car elle met en jeu l’histoire locale en particulier les anciens camps de guerre. Le camp 1033 ou Camp Borgie, qui ont eu abrité « des résidents étrangers longue durée au Royaume-Uni ou des soldats allemands faits prisonniers. Car les îles britanniques ont hébergé environ un millier de ces camps, il n’en reste pas moins que ce pan de l’histoire reste apparemment peu connu.
Il me semble également percevoir une critique de la société actuelle, qui au-delà ne pas prêter la moindre attention à ces camps, n’en perçoit que la valeur marchande, prêts à effacer les traces d’une histoire chargée et laisser la place aux structures immobilières davantage valorisées par les promoteurs, les yeux plein de rêves d’euros que représentent ces hectares de terrain inoccupés. Deux enquêtes, l’une cousue de fil blanc, l’autre en dessus qui tiennent tant bien que mal les quatre cents pages de ce roman un peu longuet et réchauffé.
Vous l’aurez compris, ce n’est, à mes yeux pas le polar qui va révolutionner le genre, et sans doute, j’ose l’espérer, pas le meilleur de Ian Rankin. J’ai senti un auteur un peu essoufflé, en manque d’inspiration autant au niveau de l’intrigue que du détective, qui ne m’a plus l’air d’avoir grand-chose à donner. Peut-être devrais-je me pencher vers un de ses titres antérieurs. Néanmoins, et je vais tâcher de finir sur une note positive, il apporte quelques notions d’histoires très intéressantes sur l’Écosse de la Seconde Guerre Mondiale.
Le Camp 1033 était également connu sous le nom de Camp Borgie, ainsi nommé d’après la rivière qui le longeait. L’étude des documents donna rapidement l’impression à Rebus que le lieu avait servi à héberger divers groupes d’individus selon les phases de la Seconde Guerre mondiale, des résidents « étrangers » longue durée au Royaume-Uni aux soldats allemands faits prisonniers. Keith avait fourni un travail consciencieux. Il y avait là des ouvrages sur l’histoire des camps de concentration, et plus spécifiquement sur les camps en écosse. Des volumes dénichés chez des revendeurs et dont les emballages en carton jonchaient encore le sol. Aux yeux de Rebus; le geste dénotait une certaine urgence, une soif. Une manière peut-être d’arrêter de penser à la situation avec Samantha ? De s’immerger. De se perdre. Une longue liste manuscrite énumérait les documents officiels et les livres qu’il ne s’était pas encore procurés. Les mots « National Library » étaient soulignés de deux traits.
Rebus se rendait bien compte qu’il aurait pu y passer des heures sans apprendre grand-chose qui soit d’une réelle utilité. Et pourtant, sa curiosité était piquée. Si Borgie était le Camp 1033, on pouvait supposer qu’il existait au bas mot 1 032 autres camps du même acabit disséminés à travers tout le territoire des îles britanniques. Pourquoi n’en avait-il jamais entendu parler ? Un des ouvrages était consacré à un autre camp écossais du nom de Watten, situé près de Wick.
Pour aller plus loin

John Rebus parcourait la jungle de la ville, une jungle que les touristes ne voient jamais, trop occupés à mitrailler les temples dorés du passé.
Édimbourg était une ville d’apparences ; le crime n’y était pas moins présent, tout juste plus difficile à repérer.
Édimbourg était schizophrène, la ville de Jekyll et Hyde, bien entendu, mais aussi celle de Deacon Brodie, des manteaux de fourrure sans petite culotte, comme on disait à Glasgow.
Mais c’était aussi une petite ville.
Un avantage pour Rebus. Il traqua sa proie dans les bars à voyous, dans les lotissements où le chômage et l’héroïne tenaient lieu de blason, parce qu’il savait que quelqu’un d’aguerri saurait survivre dans cet anonymat.
Jetant un coup d’œil à la ronde, il vit qu’il avait atterri au cœur du désespoir.

À Édimbourg, ça ne va pas fort pour l’inspecteur John Rebus. Il s’est fait jeter dehors par sa maîtresse et Michael, son frère fraîchement libéré de prison, débarque chez lui. Puis, un cuisinier fanatique d’Elvis Presley envoie Holmes, l’un de ses collègues, dans le coma. Enquêtant sur cette agression, Rebus découvre le carnet noir sur lequel Holmes notait les informations glanées dans les bars. Lorsque Michael est attaqué à son tour, Rebus prend l’affaire à cœur. Resurgit alors une vieille histoire jamais… Bien que Ian Rankin soit très populaire en Grande-Bretagne, Le Carnet noir est la première enquête de l’inspecteur Rebus traduite en français. Voici l’occasion de découvrir un personnage attachant qui fait songer à une sorte de Maigret de la génération des Rolling Stones : bourru, autoritaire, inquisiteur mais non violent. Et de s’immiscer dans l’âme sombre d’Édimbourg, aussi opaque qu’une bière stout. Un polar écossais aux rouages parfaitement maîtrisés.