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Nina gagne sa vie en escroquant la jeunesse dorée de Los Angeles qu’elle traque sur les réseaux sociaux. C’est une vieille histoire… Enfant, elle a déjà vu sa mère se débrouiller pour lui donner une vie digne de ce nom en se jouant allègrement de la légalité. Aujourd’hui, Nina est prête à tout pour sauver sa mère gravement malade, même à tenter le coup le plus audacieux, le plus dangereux de sa carrière…
Vanessa est une jeune héritière, au compte en banque illimité, qui rêve de laisser son empreinte sur le monde, de faire de grandes choses. Pour l’heure, elle se contente d’être influenceuse sur Instagram. Mais derrière la façade plaquée or, sa vie est émaillée de drames…
C’est au bord du lac Tahoe, dans une somptueuse villa, que Nina et Vanessa se rencontrent. Mais qui sait si leurs chemins ne se sont pas déjà croisés ? Désir, duplicité et vengeance… Qui ment, qui tire les fils de l’incroyable jeu de tromperie et de destruction qui s’installe entre les deux femmes ? Une seule certitude : c’est une question de survie.
Janelle Brown
611 p.
Les Arènes
Pretty things, 2020
Une traductions de Clément Baude
Ma Note

Imagine un peu, la liberté qu’il y a à être invisible comme ça ! me disais-je. Imagine un peu, ne pas se soucier de savoir si les autres s’en soucient !
L’avantage – ou l’inconvénient – de recevoir un roman en très large avant-première, soit environ deux mois avant la date de sa parution officielle, c’est qu’il est envoyé sous la forme d’épreuves non corrigées, en un ouvrage assez brut, à la présentation minimale, sans résumé de quatrième de couverture. C’est l’un de ces romans dans lesquels je suis rentrée totalement en aveugle, n’ayant absolument aucune petite idée de la trame. Pour tout dire, ce fut une agréable surprise, j’ai rapidement cédé au charme de ce thriller, qui prend pour sujet l’utilisation d’Instagram, sujet qu’en tant qu’utilisatrice régulière dudit réseau me semble très évocateur.

Au départ, il n’y rien d’autre qu’un amour de jeunesse entre deux jeunes laissés pour compte, Nina et Benjamin, sur fond de disparités sociales, qui se finit forcément, mal : pour Nina une jeunesse au sein d’une famille monoparentale passée à vadrouiller et à compter les bouts de chandelles, pour Benjamin à ne plus savoir comment dépenser l’argent de la fortune familiale alors même que cette famille est menacée par le précaire équilibre mental qui menace chacun d’entre eux. L’action se met doucement en place, laissant entrevoir les adultes que sont devenus ces enfants, l’auteure a pris son temps, la tension narrative monte très lentement en puissance, sans que je ne me soie ennuyée un seul instant : chaque détail a son importance, car en effet, le nœud narratif s’appuie sur des éléments du passé, d’un passé aux cicatrices encore béantes, et qui forcément sont encore douloureuses vingt ans après, des deux côtés de cette barrière sociale.
Mais une fois que la tension installée, les choses s’accélèrent, et si l’argent est au centre de tout, ce qui n’est finalement pas nouveau, son utilisation qu’en font les réseaux sociaux, et particulièrement Instagram, puisque c’est le réseau des apparences par excellence, est l’un de ces systèmes de domination qui se développent au XXIe siècle, où la course à la perfection se transforme en une débauche, une ivresse de paillettes et surabondance de filtres en tout genre qui font perdre tout sens de réalité. C’est parfaitement ce qui est en jeu, un jeu de dupes entre apparences et réalité, entre Nina qui se cache derrière cette Ashley fabriquée de toute pièce pour dépouiller cette famille dont le patriarche l’a mise à la porte comme une malpropre, en compagnie de son complice, et Vanessa Liebling, la dernière et digne héritière. Jolies choses est un jeu de miroirs ou les apparences ne cessent de se heurter aux murs de la réalité, brutes et austères, dépouillés du moindre strass. Tout n’est qu’illusion d’optique dans ce thriller captivant, et Instagram ainsi que la propriété démesurée de Stonehaven ne sont que les premiers mirages d’une réalité dévoyée, aussi sombre et opaque que le lac environnant à la surface aussi impénétrable que chacun des protagonistes.
Si la dualité Ashley/Nina est finalement le duo le plus limpide de tous, Janelle Brown joue sur cette part inconnue, cette partie non instagrammable, cette personne inavouable qui se cache sous cette multitude de couches de vernis illusoires : les protagonistes les plus transparents et honnêtes sont encore ceux qui avouent leur ambivalence, ce qui ne va pas sans dommages, puisque l’un n’est plus défini que par sa schizophrénie et l’autre par sa bipolarité. Les nombreux rebondissements, qui s’appuient justement sur ces faux-semblants permanents, donnent à cet épais thriller une dimension différente que celle à laquelle je m’attendais, les règlements de comptes tardifs perdent tout intérêt, les escroqueries, tout leur sens et les survivants ne sont pas forcément ceux que l’on croit, la victime encore moins.
Finalement l’escroquerie qui est le fil conducteur de ce roman, davantage qu’un motif pécuniaire, est avant tout la tromperie que portent certains systèmes de domination, celui des photos, de l’emprise, des chantages affectifs. Ce thriller porte ainsi une brillante synthèse et analyse des rapports humains, du piège des réseaux sociaux, de l’argent qui corrompt, de ces Jolies choses qui en dissimulent d’autres bien moins belles et recommandables. C’est ce qui a de plus appréciable dans ce roman, l’auteure désosse peu à peu l’arbre de la vérité de cette première écorce faussement dorée et laisse place à quelque chose de certes plus rustique, mais en tout cas de véritablement tangible et réel bien loin des faux-semblants en toc doré véritable.
Vanessa, Vanessa, Vanessa. Est-ce qu’elle la perçoit, au moment où je marche vers elle sur l’allée pavée – cette électricité dans l’air, ce frisson prémonitoire ? Est-ce que son intuition la prévient que quelque chose chez moi – ma démarche calme et travaillée de prof de yoga, mon sourire à pleines dents -n’est pas normal ? Est-ce qu’elle se surprend à réprimer une curieuse envie de calfeutrer ses fenêtres, de rentrer le mobilier de jardin, de fermer à double tour et de se cacher au sous-sol ?
Je me suis laissée prendre à cet interminable jeu de dupes, ou le plus malin et le dupé ne sont pas forcément ceux que l’on croit, qui prend quelquefois des airs de huis-clos crispant dans une demeure, s’écroulant sous la poussière accumulée au fil des années de ces non-dits familiaux, et dont la surface est proportionnelle à la spontanéité et au franc-parler des relations du trio, qui aurait pu être vaudevillesque dans un autre récit. Bien heureusement, les paysages grandioses de Lake Tahoe nous insufflent un peu l’oxygène nécessaire pour dépasser une situation dont la tension est à son paroxysme lorsqu’on croise les narrations des deux jeunes femmes de notre roman.
Je n’ai jamais fait un coup comme celui-là. Je ne suis jamais allée aussi loin dans la vie d’une autre personne, investissant sa maison et la poussant à être mon amie. La plupart de mes escroqueries se sont faites dans le noir, sous le couvert de l’ivresse : fêtes, boîtes de nuit, bars d’hôtel. Je suis devenue assez douée pour faire semblant d’aimer quelqu’un qu’en secret je méprise. C’est facile quand il est 4 heures du matin, que votre proie vient de consommer un litre de vodka finlandaise et que vous n’êtes pas obligée de regarder derrière sa façade repoussante. Mais là, c’est un bestiau totalement différent. Comment rabrouer une personne qui essaie sincèrement de nouer un lien avec vous ? Comment la regarder dans les yeux devant une tasse de café, nom de Dieu, et garder ses distances ?
De loin, c’est toujours plus facile de juger. C’est pour ça qu’Internet nous a tous transformés en critiques de salon, en experts de les dissection froide des gestes et des syllabes, en ricaneurs vertueux, abrités par nos écrans. Là, on peut avoir bonne conscience, confortés dans l’idée que nos défauts sont moins graves que les leurs, que notre supériorité ne sera pas contestée. Les hautes sphère morales sont un lieu agréable où se jucher, même si la vue se révèle relativement réduite.
Çà devient beaucoup plus difficile de juger, en revanche, quand la personne est en face de vous, humaine dans toute sa vulnérabilité.
Pour aller plus loin avec Les Arènes

Pour récupérer la garde de sa fille, Gus, un père au bout du rouleau, se lance dans une prise d’otages dans l’hôtel de naufragés où il vit. Sa revendication ? Un Boeing pour fuir au Venezuela avec Émilie, sa petiote.
Pour ce plan foireux, Gus s’allie à Cerise, une prostituée à perruque mauve. À eux deux, ils séquestrent les habitants déglingués et folkloriques de cet hôtel miteux : George, le tenancier, Boudu, un SDF sauvé des eaux, Fatou, une migrante enceinte, Gwen et Dany, un couple illégitime enregistré incognito, Hubert, un livreur Uber jamaïcain, mais aussi Sergueï, un marchand d’armes serbe en charge d’un transit de drogue mafieux. Et bien sûr, Émilie, son ado rebelle de quatorze ans.
La capitaine de police Mia Balcerzak est la négociatrice de cette cellule de crise. Crise familiale, crise de la quarantaine, crise sociale, crises de nerfs… quoi qu’il arrive, crise explosive !

David Sterling est capitaine de police au 3e DPJ de Paris. Chef d’enquête pour le meurtre d’une jeune femme tuée à l’arme blanche sur les berges de la Seine, il pressent dès le départ une affaire hors du commun. La suite des événements va lui donner raison. Les meurtres de femmes s’enchaînent, tous commis dans des arrondissements de la rive gauche, le territoire du 3e DPJ. Est-ce un hasard ? Au capitaine et à ses lieutenants de percer le mystère, de fausses pistes en rebondissements, qui mettront Sterling à rude épreuve. Enquêteur renommé, instinctif, séducteur et torturé… et si le chat qui ne pouvait pas tourner, c’était lui ?
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