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« Je sais que tu ne crois pas à ces choses-là, mais tu n’as qu’à regarder ce qui s’est passé dans notre famille. D’abord Iacomo, avec ses manies, qui a fini pendu à une poutre. Ensuite Achille, il voulait jouer aux héros et c’est un miracle s’il n’est pas mort fusillé. Et ta tante Edvige ? Elle a détruit deux familles. Et ma soeur Adele, qui s’est retrouvée à l’autre bout de la planète, avec ses fantaisies d’amour, et veuve presque tout de suite. N’oublie jamais, Guido… si nous ne les contrôlons pas, les rêves finiront par nous apporter une tragédie. Et elle sera pire que tous les malheurs que nous avons déjà connus. C’est notre ancêtre, la Tsigane, qui l’a vu dans ses cartes. Elle ne se trompait jamais.»
L’histoire commence en 1800, à Stellata, dans la plaine du Pô, le jour où Giacomo Casadio tombe amoureux. Peut-on contrôler son destin ? Faut-il renoncer à ses rêves ? Une saga à l’italienne, somptueuse comme un fleuve.
Daniela Raimondi
454 p.
La casa sull’argine, 2020
Une traduction de Manuela Corigliano
Ma Note

Dans notre famille, disait-il, les malheurs se répètent à l’identique. On dirait que nous, les Casadio, nous cherchons les ennuis. Mon grand-père Dollaro m’avait prévenu, sa mère l’avait vu dans les cartes
Parmi l’une des sorties des Éditions Pocket, il y a ce roman au titre aux airs d’ésotérisme de l’auteure italienne Daniela Raimondi, que j’ai eu la chance de recevoir grâce à la maison d’édition et au site Lecteurs.com. À mon sens, le titre français ne rend pas forcément honneur au roman, qui va bien au-delà qu’une simple histoire d’ensorcellement ou de magie. Je trouve le titre italien d’origine La casa sull’argine – mot à mot La maison sur la digue – un peu moins racoleur et plus en adéquation avec la nature de ce roman. C’est un roman-fleuve qui retrace pendant près de deux siècles les malheurs de la famille Casadio. L’auteure, Daniela Raimondi, est de nationalité italienne, elle y a vécu à Viggiù, cette petite commune de Lombardie près de la frontière suisse, où se déroule une partie de son roman.

La casa sull’argine, le titre italien fait allusion au Pô, le fleuve qui longe le petit village de Stellata, donc, qui constitue le titre français. Et dans les petits villages, ici italiens, il y a toujours cet esprit, ce folklore particulier, ces croyances en un Dieu catholique, mais aussi en un au-delà plus abstrait incarnées par cet esprit composé des superstitions de tout bord. Et si l’on rajoute la figure de la Tsigane, Viollca, qui prédit l’avenir évidemment, on aurait vite fait de l’imaginer en sorcière. Au-delà de ce portrait un peu caricatural, on retrouve toutes ces croyances ancestrales qui vont projeter les deux siècles à venir de générations du clan Casadio. Tout débute par le mariage du garçon, Giacomo, un être rêveur, mélancolique, ancré dans son propre monde, avec Viollca, cette femme appartenant à la communauté des tziganes sédentarisés au village. Une union inattendue et improbable, entre le feu de la brune et son appétit de vivre et le flegme du blond. Et voilà que Viollca a une vision d’un malheur à venir dans les générations futures : cette prédiction, ce mauvais œil, leur collera la peau à chacun, qui verra dans chaque accident de la vie, la réalisation des prédictions de leur aïeule extralucide.
Comme je l’ai dit auparavant, je pense qu’avoir trop insisté sur le côté extralucide dans le titre a été une erreur : car si effectivement, en tout début de roman, la nature surnaturelle de Viollca est présentée, peu à peu le récit devient plus terre-à-terre, même de temps à autre, chacun et chacune se prend à évoquer la mémoire de Viollca. Si cette prédiction est le motif de départ du récit qui temporellement va s’étendre jusqu’aux années actuelles, la dissection de l’arbre généalogique de la famille s’attache à devenir une véritable épopée, où les uns sont marqués par la neurasthénie et la mélancolie d’un Giacomo, les autres par la vivacité et l’hypersensibilité de sa flamboyante femme. L’auteure semble détresser une histoire gravée et scellée dans le marbre par avance par une malédiction originelle, celle de l’union de Giacomo et Viollca. Chaque génération voit éclater ses propres drames, vite oubliés dès que la prochaine entre dans la fleur de l’âge, remplacés par ceux occupés à construire leur vie.
On s’attache vite à cette famille, à Stellata, au Pô compagnon silencieux de ces aventures bicentenaires, qui ont tout vu, tout vécu, tout surmonté. Une famille somme toute banale, mais que le charme du récit l’auteure rend unique, le grand point fort de cette fresque familiale tiennent de mon point de vue à la richesse de construction des personnages, en particulier de ces femmes toutes différentes qui portent toutes le foyer sur leurs épaules, et surtout la mémoire de la famille, à commencer par Viollca. S’il y a bien un pouvoir qu’on peut leur reconnaître, c’est cette capacité à entrer en résilience, à construire et maintenir la cohésion du clan. Elle est peut-être là l’alchimie de Stellata, la capacité de cette lignée – directe ou indirecte – de femmes à maintenir cette énergie vitale qui permet de maintenir leur famille à flot. En parlant de cela, Le thème de l’eau est particulièrement important dans le récit de Daniela Raimondi, la présence du Pô est continuelle, aussi bien destructeur que rédempteur, il noie et il nourrit, et c’est peut-être cette incapacité à maîtriser la vie narrée par ce Po et ses aléas, qui se cachent derrière cette volonté à cacher derrière cette divination.
Presque vingt ans s’étaient écoulés depuis le drame des deux enfants noyés, mais Beppe Casadio craignait que sa fille subisse le même sort que sa soeur. « Dans notre famille, disait-il, les malheurs se répètent à l’identique. On dirait que nous, les Casadio, nous cherchons les ennuis. Mon grand-père Dollaro m’avait prévenu, sa mère l’avait vu dans les cartes.
– Ca suffit, maintenant, le coupait chaque fois Armida. Tu ne peux pas vivre dans la peur de ce qu’a dit une Tsigane il y a un siècle. Les morts sont morts, Beppe, et leurs mots sont enterrés avec eux.
C’est un roman qui se lit quasiment d’une traite : dès lors qu’on a commencé à s’intéresser à la famille Casadio, il devient impossible de s’en détacher. Et c’est à travers eux que l’on revit, que l’on apprend l’Histoire du XIXe et XXe siècle, sous le point de vue d’une famille d’Italie du Nord, les deux guerres mondiales, la dictature du Duce et surtout sur ces communismes italiens, qui ont peut-être moins marqué la mémoire, mais qui formèrent une résistance, peut-être passive, mais effective, ainsi que cette extrême-gauche des années soixante-dix. Voilà un titre qui en recèle bien plus qu’il ne l’annonce.
« Bande d’imbéciles ! lâcha Neve, et elle continua à lire le livre à son mari : Un enfant qui, même sans refuser d’obéir, demande : pourquoi ? est comme une baïonnette en carton… Vous devez obéir pour obéir… Cette conviction a créé l’Empire : Mussolini a toujours raison. »
Radames proféra une insulte contre la mère de Mussolini, mais il le fit en chuchotant, afin que les enfants n’entendent pas. Pourtant Neve et Radames représentaient le couple exemplaire pour le Parti fasciste qui sanctionnait les célibataires et « tout acte provoquant l’inaptitude à la procréation ». Ils avaient déjà sept petits Italiens, et Neve n’avait pas encore trente ans.
« Dis-lui de faire attention, disait Armida. Sinon, il va t’en faire encore dix. » Elle soulignait le mot « attention », qui renvoyait à des détails trop intimes pour que la mère et la fille en discutent ouvertement. Radames essayait de faire attention, mais chaque année sa femme se retrouvait enceinte.
Pour leur famille, c’était une époque très dure, Radames avait perdu depuis des années son travail à la boulangerie, ou on ne pouvait se permettre d’employer quelqu’un que quelques heures par semaine. Il avait aidé un temps son père aux champs, mais avec la naissance de tous ces enfants il avait fallu chercher un autre travail et une autre maison. Il en avait trouvé une dans le village de Pilastri, avec trois pièces délabrées, le sol en terre battue, une seule arrivée d’eau à l’extérieur, et pas de toilettes. Radames travaillait comme ouvrier agricole saisonnier et était payé une misère. Pour trouver un emploi, beaucoup avaient adhéré au parti, mais aucun des enfants d’Anselmo Martiroli n’avait jamais considéré cette option.
La rentrée littéraire 2022 du côté de l’Italie
Marco Pane a quatorze ans et vit avec son père à Soccavo, un quartier difficile de Naples. Le départ de sa mère, plusieurs années auparavant, a laissé une plaie béante dans le cœur de l’adolescent. Il comble le vide en s’exerçant assidument au football et en traînant avec i ragazzi, qui comme lui avancent seuls dans la vie. Les joints se partagent sur les toits de la ville, les yeux cherchant la lumière. Celle-ci finit par apparaître en la personne de Serena et rapidement les deux jeunes gens s’éprennent d’un amour pur et enivrant. Les rues blêmes du quartier se parent d’une teinte nouvelle. Cela ressemble au bonheur.
Mais quelque chose au loin, qui a peut-être à voir avec la fatalité, gronde et va rattraper Marco.
Un livre d’une grâce éblouissante, porté par une des jeunes voix les plus remarquées en Italie.


À quarante ans passés, une femme, professeure dans un lycée des environs de Naples, se retourne sur sa vie. Elle relate son enfance et se confie peu à peu, en s’exposant sans réserve. Tout entière corsetée par le milieu traditionnel qui l’a vue naître, elle a grandi à la manière d’un bonsaï déformé par les ligatures, le fil de fer et les coupes régulières destinés à contrôler sa croissance. Emmurée dans son propre corps, elle refuse toute étreinte, si ce n’est celle de la honte.
Mais lorsqu’elle fait par hasard la rencontre d’Andrea, un homme qui, à bien des égards, est radicalement différent d’elle et de son histoire, sa vie bifurque et s’écarte du chemin qu’on avait initialement tracé pour elle. Dès lors, elle ne cessera de chercher à comprendre son propre désir pour, peut-être, réussir enfin à l’écouter.
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