La maison aux livres

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À son retour de voyage, un écrivain renommé se voit proposer un bien étrange héritage : sur les hauteurs verdoyantes de Dragos, quartier d’Istanbul qui surplombe le Bosphore, l’attend la Maison aux livres, bibliothèque de plus de trente mille ouvrages, rassemblés dans un écrin de verre au cœur d’un vaste domaine arboré. À l’écart, un petit cabanon invite à la lecture et à la contemplation.

Énigmatique, la bibliothèque vire bientôt à l’obsession. Le classement ingénieux des luxuriants rayonnages, les innombrables notes manuscrites semblent autant d’indices pour percer le mystère : mais qui est l’architecte génial de ce fabuleux trésor ?

Enis Batur

208 p.

Editions Zulma

Kitap Evi, 2014

Une traduction de François-Michel Durazzo

Ma Note

Note : 2.5 sur 5.

L’amoureux passionné des livres est un type d’homme universel. Indépendamment de leur origine, leur nation, leur langue, leur religion ou de l’endroit de la Terre où ils vivent, de tels hommes ont des réactions communes, leurs habitudes sont similaires et la constitution quasi organique qui détermine leurs comportements les amène à prendre des décisions strictement identiques.

Quoi de mieux de se lancer dans la littérature turque avec un roman au titre aussi prometteur ? C’est un achat improvisé qui m’amène à lire l’auteur turc Enis Batur édité chez les Editions Zulma, qui nous parle ici de son amour des livres par le biais de son personnage principal, un auteur anonymisé, dont on sait cependant qu’il est à succès. Enis Batur est auteur et éditeur, francophile, il a fréquenté un lycée francophone à Istanbul, a étudié à Paris et ne cesse d’y revenir. Il est l’auteur d’une œuvre conséquente dont, en France, ne faisons encore qu’explorer la surface alors même qu’il a publié son premier livre en 1973. L’écrivain Alberto Manguel le considère comme une sorte d’alter ego littéraire.

Qui ne révérait pas d’hériter d’une bibliothèque, d’une maison aux murs remplis de livres jusqu’à saturation, quel que soit le coté où notre regard se porte, sans absolument aucun autre élément que des livres ? C’est ce qui arrive à notre protagoniste, de retour dans son pays après un séjour à Sarajevo. La situation ne serait pas aussi abracadabrante si le testateur inconnu n’avait posé comme condition à ce leg opportun que son nom ne demeure connu que du notaire seulement. Au-delà même de cette offre extravagante, l’auteur est assailli de questions, et en premier lieu, celle d’accepter ou non, ce cadeau, dont il ne connaît ni la provenance, ni le but. Car en plus d’être un auteur reconnu, notre heureux protagoniste est un lecteur exceptionnel, il a lu et retenu les plus grands, capable de citer de mémoire des titres lus. 

Il y a d’abord les premiers questionnements de l’auteur : découverte de cet héritage improbable, interrogations sur l’identité du défunt, questionnement sur le fait d’accepter ou de refuser ce cadeau. L’auteur est, en effet, effrayé par cette idée, pour le moins étrange, et le but recherché de l’homme qui l’a eu. Puis c’est la prise de possession de cette maison des livres. Si le plus important se trouve dans cette maison mystérieuse, une fois ses interrogations retournées dans tous les sens, on va suivre les déambulations de l’homme au sein de la maison-bibliothèque, ses flâneries spirituelles et toutes les remarques qui lui viennent au contact des livres que ce Monsieur ainsi nommé a soigneusement et consciencieusement accumulés. C’est à la fois une longue réflexion, émaillée de nombreuses digressions pêle-mêle, la nature du Lecteur, dont il refait consciencieusement le portrait, déjà esquissé auparavant chez Alberto Manguel ou Borges. Une réflexion qu’il file de la même façon sur l’Auteur, les actes de lire et d’écrire, que dans les positions qui sont les siennes, il est à même de parler.

J’avoue avoir eu l’impression que l’auteur se complaisait à tourner en rond dans ses réflexions autour de la lecture et de l’acte d’écrire dans cette maison qui aurait vite fait de devenir une geôle confortable et voluptueuse entre les centaines de bouquins qui font office de barreaux sur les murs. Une prison, un labyrinthe, dont le moindre livre fait écho à un autre titre, indéfiniment, et qui se construit en monde propre, en un monde dont le personnage craint de s’y perdre totalement. J’ai eu également quelques réticences avec le style de l’auteur, un peu pompeux à mon goût, trop centré sur lui-même plutôt que sur le contenu. Ou des observations éculées, une accumulation de lieux communs, qui ne mènent nulle part.

C’est pourquoi chaque lecteur aime avoir dans sa bibliothèque des livres qu’il n’a pas encore ouverts. Il se soucie des promesses qu’ils portent en eux. L’attente est l’un des moteurs les plus forts de la vie. Dommage qu’à côté de cela il reste une difficulté : si j’évaluais le nombre de livre que je pourrais lire, combien d’autres laisserais-je de côté ? Lorsqu’il atteint un certain âge, le lecteur avisé apprend à renoncer . Nul ne boira jamais à la source qui étancherait toute soif.

Voilà une longue réflexion de portée générale et toute personnelle, car les nombreuses digressions sont l’occasion de s’arrêter quelques lignes sur ses auteurs et livres favoris, sur des thèmes qui lui sont chers – je relèverai celui de la métaphore de la toile d’araignée qu’il rapproche de cette maison – et une volonté de comprendre, mais en vain, l’organisation de cette bibliothèque aux origines mystérieuses. Le problème des labyrinthes, c’est qu’il arrive que l’on s’y perde, je crois que je m’y suis un peu perdue dans celui d’Enis Batur, car je n’y ai réellement pas trouvé de sortie qui me satisfasse.

Jusqu’à présent, je ne suis pas parvenu à me convaincre qu’un des livres que j’aurais écrits ou lus pourrait changer la vie. Dans le premier cas, ce serait faire preuve d’arrogance et de bêtise, dans le second, d’une confiance excessive et, une fois encore, de bêtise. Je dois néanmoins admettre que quelques-uns me donnent le vertige, dans un sens ou un autre. J’ai fini par considérer ceux que je lisais en boucle comme de vieux amis. Je n’ai cessé d’affirmer que j’avais appris de tous les livres, et de certains d’entre eux les choses les plus profondes. Pourtant, je serais bien incapable de dire tout ce que j’ai trouvé au fil de ces millions de pages, lues pour diverses raisons qui souvent ne se recoupent pas. Ce que je sais, c’est que d’une ligne à l’autre j’ai toujours cherché quelque chose et que je me suis rendu compte assez vite qu’une telle quête était une sorte de pulsion aussi versatile que le chant des oiseaux, qui pouvait devenir une forme d’existence en soi.

Aussi suis-je fier d’avoir senti à un âge qu’on peut considérer encore jeune que ni lire ni écrire ne pouvaient être une authentique libération. On a le droit d’avoir une croyance, je ne vois rien d’étrange à cela. En revanche, croire en ses croyances ne mène nulle part.

On peut sans nul doute voir là le résultat de mes efforts pour inscrire dans la rationalité ma relation profonde avec le livre, avec les livres. Il est assez banal de se soucier de faire passer la maladie dont on est affecté pour quelque chose de normal. Si l’un des innombrables objets utiles ou inutiles, façonnés par la main de l’homme, s’immisçait aux dépens d’autres artefacts au cœur d’une vie, lui imposant avec une puissance incontestable un rituel permanent fait de mille petits gestes dans un espace sacré, je n’aurais aucune objection à formuler, pourvu que cela puisse expliquer ma singularité et ma passion.

À paraître chez Zulma

A PARAÎTRE LE 02/02/2023

Après sa mort à 66 ans, en 1948, un joueur d’échecs new-yorkais se retrouve comme tous les humains sur la planète Petite Vie. Ici tout le monde a de nouveau 20 ans, et un bonus de 10 ans de vie. Mais loin d’une seconde chance, c’est d’une mission qu’il hérite.

Sur Petite Vie, il subit la même injonction que les autres à se souvenir, afin de reconstituer la mémoire de la Terre. Intégralement. Massivement. Pris dans un engrenage kafkaïen aux allures de cauchemar éveillé, il se lance à la recherche de Robert Krauss, qui aurait été aperçu sur un continent éloigné de la capitale, afin de reconstituer son roman 4001. Avec Bonadea, qui prend de plus en plus souvent les traits de sa femme disparue, il traverse des paysages psychédéliques, des outre-mondes et des temporalités poreuses, dans un univers digne du jeu vidéo le plus fou et le plus expressionniste. Est-il drogué, manipulé ? Par quel mécanisme ?

Au crépuscule de cette deuxième vie, reclus dans un bunker, il enregistre pour la postérité le témoignage halluciné de son expérience, avant de définitivement disparaître…

A PARAÎTRE LE 05/01/2023

Dans le brouhaha des rues agitées de Téhéran, Leyla, Shabaneh et Roja sont à l’heure des choix. Trois jeunes femmes diplômées, tiraillées entre les traditions, leur modernité et leurs désirs.

Leyla rêve de journalisme ou de devenir libraire. Son mari, pourtant aimant et attentionné, a émigré sans elle. A-t-elle eu raison de ne pas le suivre et de rester ? Shabaneh est courtisée par son collègue, qui voit en elle une épouse parfaite. Comment démêler si elle l’aime, si elle peut se résoudre à abandonner son frère handicapé, alors qu’elle en est l’unique protection ? Roja, la plus ambitieuse, travaille dans un cabinet d’architectes, et s’est inscrite en doctorat à Toulouse – il ne manque plus que son visa, passeport pour la liberté. Vraiment ? La solution est-elle toujours de partir ?

En un été et un automne, elles vont devoir décider. D’espoirs en incertitudes, de compromis en déconvenues, elles affrontent leurs contradictions entre rires et larmes, soudées par un lien indéfectible mais qui soudain vacille, tant leurs rêves sont différents. L’automne est la dernière saison est une magnifique histoire d’amour et d’amitié, sensible et bouleversante, profondément ancrée dans la société iranienne d’aujourd’hui, et pourtant prodigieusement universelle.

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