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Quatre amis d’enfance pensent se retrouver le temps de quelques jours paisibles. Une simple chasse à la perdrix dans les hauts plateaux de l’est de l’Islande…
Mais le voyage tourne vite au cauchemar. Une tempête de neige violente et inattendue s’abat sur eux et les oblige à se réfugier dans un pavillon de chasse abandonné. À l’intérieur, une découverte… macabre qui changera à jamais le cours de leur existence – et de leur amitié.
C’est le début d’une longue nuit dans ce que l’Islande a de plus âpre. Un huis clos dans un froid redoutable, où les quatre amis, coupés de toute civilisation, voient ressurgir ce qu’ils ont de pire en chacun d’eux. Les tempéraments explosent. Les aversions, les soupçons et les haines du passé remontent à la surface.
Seront-ils tous assez forts pour survivre à cette nuit ?
Ragnar Jónasson
336 p.
Éditions de La Martinière
Uti, 2021
Une traduction de Jean-Christophe Salaün
Ma Note

Le problème, c’est qu’il n’y avait nulle part où se réfugier et fuir cette réalité.
Quoi de mieux qu’un roman « confort » lorsque notre envie de lire est aux abonnés absents ? Un titre islandais, d’un auteur que je connais déjà, puisque j’ai lu son précédent roman l’année dernière, Dix âmes, pas plus, encore une fois, grâce à Netgalley. Envie de froid, envie de neige, de mystère et de secrets, d’amitiés dysfonctionnelles, de meurtre à résoudre ? C’est ici que ça se passe, dans À qui la faute ? de l’auteur insulaire Ragnar Jonasson, à paraître chez Les Editions de la Martinière. De son dernier roman, j’ai gardé le souvenir de ses dimensions social et psychologique très marquées, qui ont fait de ce récit qui s’est révélé être autre chose qu’un simple roman policier, dont l’intrigue était incrustée dans les recoins les plus reculés de l’île.

Tout commence par Daniel : l’une des quatre personnalités qui composent cet équipage vers les territoires les plus reculés de l’Islande profonde. L’une des particularités de ce roman réside dans la narration éclatée en quatre focalisations, une par personnage. Ce n’est pas tout à fait un roman choral, le récit se déroule avec ces quatre focalisations qui s’enchaînent dans le temps. Le procédé est plutôt malin et parfaitement adapté à un petit groupe de quatre amis. Daniel, donc, mais aussi Armann, Helena et Gunnlaugur, amis depuis quelques années, et qui se retrouvent à traverser le blizzard pour chasser la perdrix le temps d’un week-end. Leurs plans se dérouleraient sans accro, c’est-à-dire le mauvais temps qui s’invite sous la forme d’une bonne tempête de neige et d’un froid sibérien ainsi qu’un individu armé d’un fusil dans l’espèce de cabanon qui leur tient lieu de refuge. Ce qui sera, le point de départ à une déroute en règle de la situation d’autant que le contexte et la tension inhérente sont propices aux conflits qui montent vite en tension. Comme tous les huis clos, l’enfer devient vite cet autre, qui, au départ était censé être un ami.
Au départ, c’était un simple week-end entre amis, se côtoyant depuis plusieurs années, profitant de l’occasion pour se retrouver, d’autant que Daniel vit et exerce à Londres en tant qu’acteur. Deux jours qui tournent en un cauchemar, dans lequel le passé ne manque pas de pointer son nez. L’auteur triche avec son lecteur, il lâche au compte-goutte les informations nécessaires pour pouvoir cerner la situation avec justesse, ou la véritable nature de ce quatuor disharmonieux dès le départ, et peut-être même bien avant. Et comme dans chaque groupe d’amis, il arrive qu’il y ait un individu que l’on emmène par pitié, par compassion, quasiment à contre-cœur, la tête de Turc idéale, et officielle : il s’agit ici de Gunnlaugur, avocat médiocre, qui vit dans une solitude qui n’est pas loin de s’identifier à de la misanthropie, et qui ne brille pas spécialement par ses qualités humaines. C’est sur cet homme peu sympathique, et dont l’antipathie ne fait que croître au fil des lignes, que Ragnar Jónasson focalise la tension. L’homme de paille parfait.
Et le rebondissement, le réel, l’unique, s’amorce doucement en amont d’une première tentative, qui va faire basculer définitivement le semblant d’équilibre qui les a tous amené sains et saufs dans ce refuge : le premier pour mieux dissimuler le second à venir, imprévisible, alors même que le groupe, de façon imprévue, est scindé en deux. Ragnar Jónasson est un illusionniste, il s’empare de la magie et l’applique à sa narration : attirer l’attention du spectateur/lecteur sur un point précis, pour mieux détourner ses yeux du truc, de ce qu’il ne veut pas qu’il voit, des rouages du tour qu’il veut donner pour magique. Et le trompe-l’œil marche plutôt bien.
Helena retint un sourire. Un peu de pression, et l’on pouvait voir les gens sous leur vrai jour. Faire jaillir leur véritable personnalité. Toute sa vie, Daniel avait protégé Gunnlaugur, et celui-ci n’hésitait pas à lui tourner le dos en une seconde. Elle n’était pas vraiment surprise, mais elle avait imaginé qu’il serait capable de mieux cacher ses sentiments.
C’est un roman que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire, encore une fois chez Ragnar Jónasson nous rapporte plusieurs histoires d’amitiés qui volent en éclats, dans un contexte comme l’est celui de l’Islande qui ne pardonne pas la moindre petite erreur et lâcheté. Auteur de romans policiers, il s’éloigne du genre pour se contrer sur la psychologie des quatre personnages, de leur relation mises à l’épreuve de l’isolement, en situation de survie. C’est un roman sommes toutes assez pessimiste sur la vision de la nature humaine, il n’y a pas grand chose à sauver de ces personnages, partis en groupe, et qui repartent chacun de leur côté. De tous ses romans que j’ai pu lire jusqu’à présent, À qui la faute ? est à mes yeux, celui qui du point de vue narratif, est le plus singulier.
Ármann
Jetant un coup d’œil rapide à la fenêtre, il distingua la clarté blême du matin à travers la couche de neige qui recouvrait la vitre.
Il fallait agir vite. Ármann n’était pas certain de l’issue qui les attendait. Pour le moment, il n’avait qu’un seul moteur : son instinct de survie. Ainsi que son désir de protéger Helena, comme toujours.
Il repensa à Daniel, perdu et livré à lui-même dans ce désert hostile, sans doute mort depuis longtemps. Mourir de froid pouvait cependant prendre un long moment, bien plus que ce que la plupart des gens soupçonnaient : le corps humain pouvait montrer une capacité extraordinaire à résister dans des conditions extrêmes. Ils n’avaient toutefois aucune chance de tomber sur lui. Dieu seul savait ou son corps gisait dans la neige, coincé entre deux congères, à quel endroit il avait contemplé les ténèbres pour la dernière fois en songeant que c’était terminé, que personne ne viendrait à sa rescousse.
C’était le sentiment le plus insoutenable : être seul, abandonné, et voir tout espoir s’étioler peu à peu.
Ármann s’était résolu depuis bien longtemps à façonner son destin de ses propres mains, à agir en refusant d’être une victime, et même s’il lui était arrivé de dévier de sa trajectoire, ce principe de vie lui avait plutôt été favorable. À cet égard, Helena lui ressemblait beaucoup.
– Bon, on y va ? lança-t-il à Gunnlaugur.
Celui-ci s’était encore rapproché de la porte, comme s’il voulait rester le plus loin possible d’eux et du cadavre. Si Ármann ne le savait pas aussi lâche qu’incapable de s’orienter, il aurait pu craindre de le voir prendre la fuite. Mais sans son aide ou celle de Helena, il ne saurait comment regagner la civilisation.
Les titres islandais de la rentrée d’hiver 2023

Fin du XIXe siècle. Un paléontologue veuf élève sa fille pour tenir la maison, broder (elle y révèle un talent rare), mais aussi l’aider dans ses recherches archéologiques. À la mort de son père, elle décide de partir pour New York proposer ses compétences à un collectionneur. Elle se retrouve dans un atelier de couture des bas-fonds de Manhattan. Elle en réchappera et nous surprendra grâce à sa ténacité et son intelligence.
« Même en plein soleil nous abritons en nous des vallées de ténèbres. Est-ce le prix à payer pour être humain ? »Égaré dans les fjords loin de Reykjavík, un homme a perdu la mémoire. Dans le village où il s’est arrêté, tous semblent pourtant le connaître. Petit à petit, les récits qui lui sont faits le plongent dans la grande histoire d’une famille. Du XIX? siècle à aujourd’hui, chaque destin est comme une tentative d’échapper à l’immuabilité de la vie islandaise. Un pasteur bouleversé par les lettres d’une inconnue, un fermier qui veut quitter sa terre pour faire des études, des amoureux qui ne peuvent vivre leur passion au grand jour… À travers ce puzzle romanesque extraordinaire, l’homme poursuit sa quête : qui est-il ? Et qui sommes-nous ? Comment aimer, comment mourir ?

Pourquoi donc seulement 3 étoiles pour ce roman que vous semblez avoir beaucoup apprécié ?
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Car le livre est très plaisant, mais j’ai la faiblesse de mettre plus d’étoiles à des titres qui ont une véritable richesse d’écriture.
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D’accord. Merci pour cette précision qui me permet de me fier davantage à vos notes et avis.
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