Étoile rouge

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1943. Lenka, jeune femme de 19 ans, s’engage dans les forces armées de l’URSS. Son amour pour sa patrie, sa détermination à la défendre coûte que coûte, font d’elle une redoutable combattante. Institutrice devenue tireuse d’élite, rétive à la discipline, Lenka devient rapidement une célébrité adulée par le parti.

Etoile rouge, au rythme haletant et aux scènes d’apocalypse, plonge le lecteur dans le chaos de la guerre. Au-delà de l’histoire de Lenka (inspirée de l’histoire vraie de Roza Chanina), c’est la condition des femmes durant la guerre qui est le vrai sujet de ce roman. Loin du cliché du héros positif, Florian Ferrier explore les zones d’ombre et la puissance des sentiments qui pousseront Lenka, comme d’autres, toujours plus loin – au péril de leur vie

Florian Ferrier

256 p.

Buchet-Chastel

Ma Note

Note : 4 sur 5.

On a Vassili Zaïtsev, notre berger de l’Oural, héros de Stalingrad, Lioudmila Pavlitchenko, qui a été honorée d’un voyage aux Etats-Unis d’Amérique pour y porter la parole du grand Staline, et désormais, il faut te compter parmi les plus brillantes tireuses d’élite de l’Union Soviétique.

L’une des bonnes surprises du mois, c’est cette parution chez les Editions Buchet/Chastel d’un auteur français, Florian Ferrier, qui a choisi de transcrire le destin d’une jeune soldate soviétique sur le front pendant la Grande Guerre patriotique : il s’agit de Lenka Iegorovna Chlakova, dix-neuf ans, institutrice de profession, laquelle, après l’école de tir, devient l’une des meilleures tireuses d’élite du commandement. Dans ses écrits, Florian Ferrier se penche volontiers sur les figures féminines, on retrouve beaucoup de l’ouvrage de Svetlana Alexievitch, La guerre n’a pas un visage de femme, dont j’ai partagé mon avis ici. L’auteur français a pris le parti de se concentrer sur l’une seule de ces combattante, et pas la moins douée du contingent.

C’est un court roman, qui ne dépasse pas les deux cents pages, il s’inspire de l’histoire vraie de Roza Iegorovna Chanina tuée au combat en janvier 1945 après avoir été décorée, à deux reprises, de l’ordre de la Gloire. À l’image de cette grande figure de la guerre, Lenka apparaît comme une jeune fille extrêmement déterminée, courageuse et patriotique : sans jamais de demi-mesures, ce qui causera sa perte, elle se décide à suivre une formation pour pouvoir s’engager et aller combattre en toute première ligne. Je parlais de détermination, car ce ne sont pas les obstacles qui manquent : ses parents, tout une armada d’hommes de la base militaire qui ont bien tenté de le dissuader de s’engager. Et même au front, les bas du front ne manquaient pas. L’armée, c’est la quintessence du sexisme, les rares femmes qui s’y engagent sont mal vues, deux fois plus bridées que leurs comparses masculins par leur supérieur, et surtout deux fois en danger vis à vis des pulsions attisées par la tension de la guerre ambiante, le désespoir, la solitude, le manque et la violence. Sans oublier, l’incapacité de certains soldats à reconnaître ces femmes comme leur égal, encore moins lorsqu’il s’agit de leur domination manifeste sur certains points.

Quoi que l’on pense de Lenka, on ne peut qu’admirer et louer son don exceptionnel au tir, même si le décompte de ses victimes ressemble davantage à une accumulation de trophées glauques que sont les têtes empaillées décorant funestement les murs des chasseurs. J’ai été saisie par sa force de caractère, sa témérité, son engagement national qui peut tenir presque au fanatisme, à mon sens, qui n’a plus forcément à voir avec l’amour de la patrie. Car, à un certain moment, l’esprit de Lenka bascule, que la soif de tuer le plus de soldats allemands possibles prend le dessus, que cela en devient une obsession, à un point tel qu’elle refuse toute permission : la violence de la guerre est devenue une sorte de drogue, des décharges adrénalines dont elle s’enivre chaque jour. Lentement, et graduellement, elle dépasse le point de non-retour, ce franchissement de frontière à partir duquel elle devient moins attentive, avec une appréciation du danger altérée, et où elle devient elle-même donc plus vulnérable, plus dangereuse même pour son équipe. Ce n’est pas seulement le roman de Lenka, qui est certes une excellente représentante de ses sœurs d’armes, c’est le roman de l’ensemble de ces femmes, les tireuses d’élite agissaient en binôme, et compte tenu de leur position face aux lignes ennemies, les duos se renouvelaient souvent. Des femmes encore plus mal traitées par la guerre que leurs frères d’armes et dont la reconnaissance a mis quelques dizaines d’années à émerger. 

Ce basculement, qui s’opère dans l’esprit de Lenka est assez terrifiant, il dépasse chacune de ses camarades et de ses supérieurs, d’élément déterminé et volontaire elle devient un pion fou et incontrôlable, tout s’enchaîne, à mesure qu’ils avancent tant bien que mal dans les terres allemandes, vers une résolution du conflit, et une Lenka fidèle à elle-même, qui ne concédera rien à l’ennemi. On ne peut pas passer sous silence les nombreuses scènes de combat, ou pleuvent confusément balles et obus, où gonflent les flaques de sang et de boue dans un magma indéfinissable, répugnant, poisseux, rempli des membres arrachés des corps sans plus d’identité : il faut être solide sur ses appuis pour revenir de ce champ de chaos et de destruction totale. Une antichambre des enfers, un demi-monde entre la vie, bien loin derrière elles, et le néant qui se reflète dans le regard vide des soldats désormais dépourvus de conscience. 

« Bonne chasse, Krasnaïa ?  » me demande Nina, le binôme de Tania.

Je hausse les épaules tout en y inscrivant mon seul tir de la journée. J’en ai tué vingt-huit depuis trois mois que je suis arrivée sur le front, c’est un bon palmarès. Krasnaïa zvezda est un de mes surnoms ici, ça veut dire Etoile rouge, en hommage au journal des forces armées du même nom qui m’a consacré un article. Tolstoï lui-même a publié dans ses pages, ce n’est pas rien. J’ai d’autres surnoms, comme la Mort invisible, ou la Faucheuse, ceux-là, paraît-il, sont ceux que me donne la presse fasciste. J’en suis fière, je les porte comme des médailles.

Au milieu de toute cette anarchie, Lenka possède sa propre étoile en la personne du capitaine Nikolaï Solokine, la figure de l’amoureux transi, un ange gardien bienveillant qui tente de la protéger d’elle-même, la représentation de la possibilité d’un futur, de revoir la vie, la paix, les enfants. Lenka est un personnage plus partagé qu’il n’y paraît, tiraillée entre désir et vision d’un avenir marqué par autre chose que les obus qui tombent, et la rage que provoque la vue de ses compagnons, déchiquetés, et se décomposant sur le champ de bataille. Ce roman est une belle façon d’honorer l’existence et la mémoire de Roza Chanina

À plat ventre dans la neige, l’œil droit collé à la lunette de mon fusil Mosin-Nagant, j’observe la tranchée fasciste à moins de quatre cents mètres de notre position. La neige me sert de lit. J’y suis enfoncée presque entièrement. Un caillou vicieux taquine mes côtes, à droite, mais ma veste matelassée l’empêche de me meurtri la peau. De toute façon, je ne souffre plus. Nos corps et nos esprits sont mis à rude épreuve. Après quatre mois sur le front, on perd beaucoup de ce qui faisait de nous des êtres sensibles, des êtres humains. Ici, il est important de ne pas penser au froid. Le froid fait trembler, et les tremblements sont l’ennemi du tireur d’élite. L’état-major prétend que les femmes supportent mieux le stress et le froid que les hommes. Tu parles d’une théorie. Il faut se protéger les mains, les doigts gèlent si vite, sans qu’on s’en aperçoive.

J’ai des camarades à qui il a fallu les couper à ras. L’autre jour, il faisait si froid que j’ai vu des oiseaux tomber, comme des pierres, pétrifiés en plein vol. Le froid, c’est ça.

J’ai déniché un drap blanc qui me sert de cape, on n’a pas encore reçu nos tenues de camouflage. Il fait l’affaire. Emmitouflée dedans, j’observe les positions fascistes. La patience, c’est la clé. A côté de moi, Macha, mon binôme, scrute l’horizon en retenant son souffle. La vapeur pourrait indiquer notre position à un tireur d’en face. Je sens alors une légère odeur d’urine, c’est Macha qui se soulage dans sa combinaison. Elle ne restera pas longtemps mouillée car dans quelques secondes, ça aura gelé et son pantalon aura la rigidité du carton. Elle n’a pas d’autre choix que de faire dans son pantalon. Bouger c’est mourir. Trois heures qu’on est là toutes les deux à attendre le bon moment. Je vois enfin un casque émerger d’un monticule de neige au loin. Puis un type en parka blanche. Ces salauds de fascistes ont un équipement bien supérieur au nôtre… Ça ne les sauvera pas. Je cherche son grade pour savoir s’il s’agit d’un officier. Les officiers sont les premiers qu’on doit abattre. Le soldat se redresse, des bidons en fer-blanc dans chaque main, sort de la tranchée et court vers je ne sais quoi. Un point d’eau sans doute. Peu importe.

Les femmes soviétiques & la guerre

Ma Chronique

La Seconde Guerre mondiale ne cessera jamais de se révéler dans toute son horreur. Derrière les faits d’armes, les atrocités du champ de bataille et les crimes monstrueux perpétrés à l’encontre des civils se cache une autre réalité. Celle de milliers de femmes russes envoyées au front pour combattre l’ennemi nazi. Svetlana Alexievitch a consacré sept années de sa vie à recueillir des témoignages de femmes dont beaucoup étaient à l’époque à peine sorties de l’enfance. Après les premiers sentiments d’exaltation, on assiste, au fil des récits, à un changement de ton radical lorsque arrive l’épreuve fatidique du combat. Délaissant le refuge du silence, ces femmes osent enfin formuler la guerre telle qu’elles l’ont vécue.

Les sorcières de la nuit, ou les Nachthexen, comme les ont nommées les Allemands sur le front de l’Est étaient des pilotes soviétiques appartenant au 588ème régiment de bombardiers de nuit exclusivement féminin. 

1942, dans le Sud de la Russie, la jeune Anya s’engage pour défendre son pays qui vient d’entrer en guerre et tente de rejoindre le déjà prestigieux régiment féminin de chasse qui s’apprête à s’envoler pour Stalingrad. 

2018, Moscou, Pavel, jeune homme désœuvré, vient d’essuyer une terrible perte. Il trouve refuge chez cet oncle un peu étrange qui vit à Rostov et à qui il n’a pas rendu visite depuis des années. Ce dernier l’emmène bientôt  sur les traces des vestiges de la Grande Guerre Patriotique. Et Pavel est loin de soupçonner ce qu’ils vont découvrir… 

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