La paix ou la guerre : réflexions sur le « monde russe »

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Ce recueil d’essais est un livre sur la possibilité ou l’impossibilité de se comprendre. Depuis trente ans qu’il vit en Suisse, exilé de sa langue et de son pays, Mikhaïl Chichkine réfléchit à l’évolution de la Russie et à ses relations avec le reste du monde. Il s’appuie sur sa connaissance de l’histoire russe et soviétique, sur son expérience personnelle et sur les grandes figures culturelles et littéraires.

Pourquoi l’Occident et la Russie ne parviennent-ils pas à se comprendre depuis des siècles ? Pourquoi les voyageurs en Russie ont-ils l’impression d’être sur « une autre planète » ? Que signifie « aimer la Russie » ? Pourquoi les révolutions et les tentatives de réformes démocratiques conduisent-elles toutes à une nouvelle dictature ? Est-il toujours possible de croire en la Russie, comme le demandait le poète Tiouttchev ?

Après l’invasion de l’Ukraine en 2022, les textes de Chichkine sont d’une grande actualité ; ils posent la question de l’avenir de la Russie, pour son peuple et sur la scène internationale. Suivant le mot d’ordre de Soljenitsyne, l’écrivain appelle à « ne pas vivre dans le mensonge ».

Mikhaïl Chichkine

205 p.

Les Editions Noir sur Blanc

Frieden oder Krieg, 2022

Une traduction de Odile Demange

Ma Note

Note : 5 sur 5.

Au nom de ma Russie, au nom de mon peuple, je voudrais demander pardon aux Ukrainiens. Mais je sais que tout ce qui s’est passé là-bas est impardonnable.

Pour la dernière Masse Critique de Babelio de l’année, j’ai eu la chance de remporter ce titre de l’auteur russe, Mikhaïl Chichkine, Михаил Павлович Шишкин, exilé en Suisse, paru chez Les Éditions Noir sur Blanc. Considéré comme l’une des voix les plus importantes de la littérature russe actuelle, il est également un opposant ouvertement déclaré de Vladimir Poutine, n’hésitant pas à communiquer dans la presse étrangère. En 2013, il refuse d’ailleurs de représenter la Russie à la foire internationale du livre « BookExpo America 2013 » aux États-Unis.

Ce titre La paix ou la guerre, directement inspiré de l’œuvre son condisciple russe Léon Tolstoï, est précédé d’un sous-titre Réflexions sur le « monde russe ». Il s’agit d’une édition remise à jour d’un essai, qui est complétée d’une préface ainsi que d’une postface de l’auteur. Une préface, donc, d’un personnel, de l’homme à la nationalité russe, honteux des exactions de son pays en Ukraine. Car si ces textes existent, c’est d’abord à cause de l’annexion de la Crimée en 2014. S’ils retrouvent une nouvelle voix aujourd’hui, c’est donc par la folie du président qui semble sans limite. Mikhaïl Chichkine présente le but de cet ouvrage, recueil d’essais, qui est celui de présenter son pays depuis le point de vue d’un homme de lettres, d’un homme russe né soviétique, né d’un mariage mixte d’une mère ukrainienne et d’un père soviétique, d’un fils de déporté, devenu lui-même exilé de son pays. La meilleure voix-e qui soit pour éclairer l’occident sur la personnalité de ce pays, et de ce président, qu’il ne parvient pas à comprendre. Je craignais que l’auteur ne s’enfonce dans des explications obscures et alambiquées du premier pseudo-expert de géopolitique venu, mea culpa, les textes sont d’une simplicité et clarté implacables et d’une intelligence rare, j’ai pris beaucoup de plaisir à les lire. 

On y trouve une fine analyse de l’histoire russe, de ses dynamiques, car ce qu’il tente de faire, avec succès, c’est d’expliquer, sans jamais justifier, la présence au sommet de l’état de Vladimir Poutine depuis presque vingt-cinq années, accepté et encouragé par une partie non-négligeable de la population russe. Mikhaïl Chichkine joue le rôle de traducteur de cette attitude docile face à l’agressivité d’un président qui grignote un peu plus chaque jour de leurs libertés fondamentales. Ce sur quoi repose l’ensemble des textes et peut-être le malentendu entre occident et orient sur leur propre notion de démocratie, qui diffèrent en tout point. Mikhaïl Chichkine ne passe évidemment pas à côté d’une analyse sur la psychologie et le comportement du président de la Fédération, tout le petit monde des spécialistes en politiques russe y sont allés de leur propre analyse ces dernières années, mais c’est évidemment Mikhaïl Chichkine que j’aurais plus tendance à croire. L’auteur russe a appris à lire derrière les mots de Poutine, il nous donne les clefs pour déchiffrer ce qu’il faut entendre et comprendre derrière la fatuité de sa posture.

Prenons le terme de « démocratie ». En Europe, la démocratie passe pour garante des libertés personnelles, des droits humains. Pour la majorité des Russes, en revanche, ce mot est synonyme de chaos des années 1990. Or personne en Russie ne souhaite le retour des « années sauvages ».

Ce recueil d’essais est l’une de mes lectures coup de cœur du mois, l’auteur a un réel talent pour expliquer dans les détails sans complexifier le sujet qui l’est déjà assez, j’ai avalé les pages les unes après les autres sans rencontrer de difficulté particulière : le fait de classer ce recueil dans la catégorie des essais peut inutilement effrayer. On lit une synthèse parfaite de l’histoire russe, de ses liens avec son passé (soviétique et pendant l’invasion tartaro-mongole) qui confère au président russe le surnom de grand Khan. Ce livre apporte les éléments essentiels pour comprendre la Russie à laquelle on a à faire, une clairvoyance et une lucidité, parfois désopilantes, d’un pays qui n’en a visiblement pas fini avec ses dictateurs, qui ne cessent de revenir sur le devant de la scène, au plus grand désespoir de l’auteur. Et comme il est question de guerre, Mikhaïl Chichkine ne manque pas d’aborder cette nouvelle forme de guerre, dont les Russes sont engagés, la guerre des fake-news, une guerre dans laquelle nous sommes engagés, involontairement, par l’utilisation intensive des réseaux sociaux. 

La vision de l’auteur sur l’avenir de son pays est assez sombre et pessimiste, il n’y voit d’autres solutions pour sortir de ce bourbier dictatorial, une « heure zéro », c’est-à-dire la remise à zéro de tous ses compteurs, ou « dépoutinisation », ce que la population ne semble pas être prête présentement. L’auteur russe pointe surtout du doigt que Vladimir Poutine a embarqué l’occident dans une guerre qui ne se joue plus sur les terrains minés, les fronts embourbés et les tranchées boueuses, mais sur toutes les sphères d’influence possibles et imaginables avec la haine de l’autre pour moteur. Les affaires Trump, Fillon et celle du financement du Rassemblement National ne manquent pas d’appuyer son propos.

Pour comprendre comment agir avec la Russie, il faut commencer par démasquer la « conspiration » des mots. Il faut établir un lexique des termes fallacieux. Trouver le vrai sens, le sens caché des mots mensongers, ressassés. Redresser ce qui est déformé. Tous les traducteurs connaissent bien les « faux amis ». Ce sont des mots identiques en apparence dans deux langues différentes et qui paraissent donc familiers et intelligibles, alors que leur sens est tout différent. S’agissant du monde russe, presque tous les mots font l’effet de « faux amis ».

Si l’on ne met pas de l’ordre dans ce fouillis linguistique, on verra éternellement ressurgir les discours sur le pays énigmatique, situé aux marges de l’écoumène. Les commentaires sur la « mystérieuse âme russe » sont légion. Comme l’a bien résumé Churchill : « La Russie est un rébus enveloppé d’un mystère à l’intérieur d’une énigme. »

Les russes ne sont ni énigmatiques ni mystérieux. Il n’existe sur la planète aucun peuple « énigmatique et mystérieux ». Il n’existe qu’une connaissance insuffisante.

Le célèbre écrivain Ivan Gontcharov a parcouru le monde en bateau, ce qui lui a inspiré le récit de voyage La Frégate Pallas. L’auteur d’Oblomov, l’œuvre majeure de la « psychanalyse russe », relève à propos des Japonais énigmatiques : « Notre politesse leur semble impolie et inversement. » Gontcharov écrit qu’on aurait tort de juger les habitants du Japon selon les critères européens. Sans notions de l’histoire du pays, il est, affirme-t-il, impossible de comprendre la mentalité, le mode de vie et la politique des Japonais.

La rentrée littéraire 2023 des Editions Noir sur Blanc, c’est aussi

Dans les années 1920, en URSS, la famine fait rage dans la région de la Volga. Le gouvernement soviétique met sur pied des convois d’évacuation pour sauver les enfants. C’est l’un de ces trains que l’officier de l’Armée rouge Deïev prend en charge, avec à son bord cinq cents enfants, qu’il doit acheminer de Kazan, la capitale du Tatarstan, jusqu’à Samarcande. Pour atteindre le Turkestan, terre d’abondance épargnée par la famine, il faut faire un long voyage de milliers de kilomètres à travers les forêts de la Volga, les steppes de l’Oural, puis les déserts d’Asie centrale.

Au cours de ce périple, Deïev et ses passagers rencontrent des femmes et des hommes qui les aident et les nourrissent – héros du quotidien, bandits ou fonctionnaires au double visage. Avec la commissaire Blanche et l’infirmier Boug, il tente de protéger les enfants de la faim, de la soif, de la peur et du choléra. Deïev devra faire face aux fantômes de son passé, aux crimes commis au nom du pouvoir soviétique, et à la cruauté de son pays, pour lequel la vie humaine a si peu de valeur. Par son courage et sa bonté, cet homme sauve des centaines de vies ; en s’élevant contre les crimes de l’État soviétique, il montre un chemin possible vers la rédemption.

En 1940, fuyant l’avancée des nazis, des milliers de Juifs affluent en Lituanie, pays dont l’URSS s’empare, mais que le Reich lui arrachera bientôt. Dans ce climat de catastrophe imminente, le Néerlandais Jan Zwartendijk, directeur de la filiale lituanienne de Philips et nouveau consul honoraire à Kaunas, parvient à ouvrir aux Juifs une dernière issue pour échapper au pire. À l’insu de presque tous, Zwartendijk travaille jour et nuit pendant trois semaines afin de délivrer des visas pour Curaçao, dans les Antilles néerlandaises, tandis que son collègue Sugihara, consul du Japon, signe des visas de transit. Ainsi commence une extraordinaire entreprise clandestine qui sauvera des milliers de vies.

En recueillant à travers le monde les témoignages des survivants et de leurs enfants, Brokken reconstitue l’histoire de « l’Ange de Curaçao », comme l’appelaient les réfugiés. Voici l’odyssée de familles entières qui ont traversé la Russie en Transsibérien, atteint Kōbe et trouvé refuge dans le ghetto juif de Shanghai. Les Justes est une fresque monumentale, une mosaïque de vies, de lieux et d’événements où la réalité prend des teintes épiques et romanesques, mais surtout une leçon sur le courage et la responsabilité de l’individu face à la catastrophe.

4 commentaires sur “La paix ou la guerre : réflexions sur le « monde russe »

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  1. Tu as le don de rédiger des chroniques qui me font à chaque fois m’exclamer « C’est super intéressant ça ! Il faut que le lise absolument » (Aïe aïe crient mes PALs )

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