Je suis né roumain

1984, Bucarest, Roumanie.
Daniel a trois ans et vit avec ses parents dans un appartement du centre ville, insouciant, entouré et aimé de sa famille. Quand ses parents vont au travail, ses grands-parents s’occupent de lui. Ils lui insufflent la pasion pour le dessin, l’art, la musique et la nature. Daniel voit la réalité à travers ses yeux d’enfant et tout lui semble beau et magique.

La réalité est cependant loin d’être merveilleuse. La dictature communiste, qui est la plus violente de tous les pays du bloc de l’Est, est à son summum. Pour les Roumains, la vie courante est une lutte continue pour la survie. La nourriture est rationnée, le gaz et l’électricité sont régulièrement coupés. La plupart des gens vivent dans la misère et l’époque est bien sombre…

Daniel Horia

221 p.

Paquet

Note : 4 sur 5.

La vie de tous les jours était devenue une lutte grise et sans espoir.

C’est la masse critique de Babelio qui m’a véritablement fait découvrir le roman graphique autrement que par les indétrônables classiques. J’ai eu encore le bonheur de découvrir un artiste, Daniel Horia, un illustrateur qui s’est décidé à dessiner sa vie sur planches, en bulles et en vignettes, publié chez les Editions Paquet : la vie d’un homme, né en Roumanie, à Bucarest, avant la révolution de 1989. L’ouvrage n’est pas du format d’un roman graphique habituel, il est plutôt réduit, mais gagne en épaisseur. En revanche, les bulles sont plus facilement lisibles, ce qui m’arrange franchement, ainsi que tous les porteurs de lunettes, j’imagine. L’idée de ce roman est venue à Daniel Horia en 2014 peu après la mort de ses grands-parents, dont ce roman graphique nous laisse deviner son profond attachement. L’auteur a quitté la Roumanie à l’âge de 31 ans, il est passé par la France et vit depuis en Espagne. Il a choisi des moments représentatifs de l’enfance et a essayé de faire en sorte que le personnage principal du livre ne soit pas lui, mais sa famille.

photo : ©https://admin.revistasinteza.ro/

Lorsqu’on regarde la couverture, ce sont les deux niveaux de colorisations qui frappent l’œil. Le premier plan tout en couleurs avec un petit garçon qu’on imagine être l’auteur et sa mère, installés tout deux sur un banc dans un parc, forme un contraste avec l’arrière-plan noir et blanc, vraisemblablement une barre d’immeuble à Bucarest. Un avant-goût de l’histoire que va nous conter Daniel Horia, d’une enfance heureuse dans sa famille entre ses parents et grands-parents, mais dans une Roumanie où la tristesse enveloppe sa capitale d’une voile morne, où la nourriture manque constamment. Mais où les paysages sont magnifiquement bucoliques et impressionnants, loin justement de la froideur de la ville. Une enfance heureuse bercée entre des grands-parents paternels et maternels, chacun à sa manière, chacun avec ses traumatismes dont ils épargnent l’enfant, et qui lui ont appris à aimer la lecture, qui l’a amené au cinéma le Doina, au musée d’histoire naturelle Grigore Antipa, à la libraria Papirus, un enfant dans ce qui était la classe moyenne roumaine de l’époque, mais baigné continuellement dans la culture.

Daniel, surnommé Dany dans le cercle familial, nous raconte son enfance et par ce biais la vie quotidienne en Roumanie, évoquant par exemple que la semaine de travail était de six jours dans les années 1980. Il en vient assez vite à évoquer Nicolae Ceausescu, sa politique, ses conséquences sur la vie quotidienne, ce qu’il nomme « lutte grise » et qui transparaît visuellement dans ses vignettes plus sombres dont je parlais plus haut évoquant Bucarest, et tout ce qui touche à la dictature.

Pendant une bonne moitié des pages, Dany a cinq à peine, un garçon qui ne comprend pas pourquoi il ne voit pas sa tante passée à l’ouest, un garçon qui sent tous les non-dits, mais qui ne sait pas les expliquer. Une vision juvénile et enfantine qui vient s’opposer à la vision de son pays qu’il aura plus tard. De ces souvenirs du communisme, grisâtre et tristes, viennent s’infiltrer ici et là des témoins, le portrait de Nicolae Ceaușescu, les bâtiments gris, les coupures d’électricité. Je suis né en Roumanie, c’est l’histoire des premières années de Daniel Horia, une histoire familiale née du culte des apparences d’une dictature qui cultive le secret, les non-dits, à la lueur des bougies, au travers de l’obscurité bucarestoise née de l’absence d’électricité. Là où il dévoile pudiquement que le couple de ses parents n’est qu’une façade en pisé, le père n’étant d’ailleurs pas parmi les noms auxquels il adresse sa dédicace.

On retrouve des vignettes aux dessins aux traits plutôt ronds et doux, ce qui en fait une lecture pour enfants, mais aussi pour adultes, ceux qui auront les outils pour comprendre les allusions et la dictature dépeinte en arrière-plan. Les planches dénotent et marquent la conscience progressive de Dany du monde qui l’entoure, son opération de l’appendicite, l’explosion du 4è réacteur de Tchernobyl, qui marque la guérison de Dany, et la fin du roman graphique. Le dessin de son personnage, le petit Dany, a été simplifié volontairement afin que les lecteurs puissent le reconnaître aisément, dans la lignée de ce que Hergé a fait avec Tintin.

Roman graphique d’une enfance roumaine, il présente une famille presque banale, avec un mariage subi pour la femme, les années pré-révolution ne favorisaient pas le divorce des parents, d’un garçon qui se rappelle ses beaux souvenirs, malgré la dictature, les signes d’un communisme à bout de souffle qu’il a perçu ici et là et qu’en tant qu’adulte, il est arrivé à décrypter. Un roman graphique qui prend fin à la lumière radioactive de 1986 et de ses radiations, j’aimerais vraiment qu’il y ait une suite à cet ouvrage d’autant qu’il y a matière avec trois années manquantes jusqu’à la révolution, sans compter les années qui suivent.

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Le portrait tragi-comique d’une dictature en huit personnages

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