Retour de flamme

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Glasgow 1975. L’incendie d’un entrepôt d’alcool clandestin appartenant à la mafia provoque la mort de trois personnes dans un immeuble voisin, et le cadavre d’un vieil homme est trouvé cette même nuit dans un squat à proximité. La police identifie une guerre des gangs. 

L’inspecteur McCormack qui revient d’un mystérieux exil londonien est chargé de cette enquête dont personne ne veut. McCormack est devenu célèbre pour avoir démasqué la trahison d’un haut gradé, mais ses collègues n’ont pas apprécié. 

Sur ce, une bombe explose dans un pub irlandais, les clichés habituels ne suffisent plus à expliquer la situation.

Dans cette intrigue magistralement structurée, le regard et la connaissance de l’enquêteur des strates de la ville, de la pègre aux notables, mettent en évidence des relations improbables dans une enquête captivante jusqu’au dénouement totalement inattendu.

Liam McIlvanney

592 p.

Éditions Métailié

The Heretic, 2022

Une traduction de David Fauquemberg

Note : 5 sur 5.

La devise de la police de Glasgow tenait en deux mots. À Glasgow, deux mots suffisent souvent. Parfois, il n’y a même pas besoin de mots. Semper Vigilo.

Pour le mois du polar, c’est en terre presque inconnue que je me suis aventurée : celle de l’Écosse, de Glasgow et de Liam McIlvanney, publié par les Éditions Métailié. Un prénom et un nom typiquement écossais pour un auteur qui écrit des romans noirs se déroulant dans son pays d’origine alors qu’il vit et enseigne en Nouvelle-Zélande. Il s’agit ici de son quatrième roman publié en France, et la suite indirecte du roman précédent intitulé Le Quaker, qui narrait les périples d’un tueur en série, poursuivi par l’inspecteur principal Duncan McCormack, que l’on retrouve ici même. On ne trouvera pas plus écossais, en l’occurrence glaswégien, que les romans de Liam McIlvanney, qui a véritablement su transmettre l’âme de sa ville, et de son pays, dans ce roman.

Il ne règne pas sur les rues par la peur : il règne grâce aux services rendus.

Année 1975. L’inspecteur principal Duncan McCormack est de retour à Glasgow, sa ville, qu’il avait quitté après avoir fait tomber Le Quaker, certes, mais surtout après avoir mis à mal la police de sa ville, en mettant à jour les liens qu’il entretenait avec la mafia locale. Il est mal-aimé de son supérieur hiérarchique direct, mais encore soutenu par ses deux N-1, l’inspectrice Nicol, son bras droit, le lieutenant Derek Goldie . Un incendie se déclare à Glasgow, tuant quatre personnes, dont une mère et sa fille. Quelques jours plus tard, un corps est retrouvé dans le quartier de Blackhill, pas celui de n’importe qui. Afin de détacher Duncan McCormack de son obsession à arrêter le parrain attitré de la ville, Walter Maitland, son supérieur l’inspecteur divisionnaire, Haddow de la brigade de répression du banditisme le missionne sur l’enquête, qui va emprunter d’inattendus tours et détours. L’équipe de policiers étant complétée par le sergent, Iain Shand, dont McCormack se méfie.

Pour comprendre le fonctionnement de la ville plus en profondeur, j’ai tenté une immersion dans les explications techniques, et autant vous dire que je n’ai pas compris grand-chose, du moins je n’ai pas pris le temps pour le faire. Économiquement parlant, Glasgow occupe une grande place en Europe, culturellement, elle se partage entre catholiques et protestants, l’Église d’Écosse représentant tout de même une majorité relative du christianisme. Ce que le Wikipédia ne nous dit pas, ce que le personnage de l’auteur écossais, McCormack, nous révèle en revanche, c’est cette animosité ambiante qui pèse lourd : McCormack est comme il le dit lui-même un Highlander catho. C’est là un autre point fort du roman, on pénètre vraiment aux conflits identitaires qui secouent le pays, les Taigs, catholiques irlandais. Dont les conflits de l’IRA, en plein dedans. Plus globalement, des pans d’histoire du pays, du Glasgow des années 30, aux gars des Highlands, les « cosaques » appelés en renfort pour tabasser du voyou jusqu’à la problématique IRA qui englobait même l’Écosse.

Si j’insiste sur le fait de comprendre l’identité de Glasgow, c’est que tout le roman se base sur les problèmes sociétaux de Glasgow, qui d’ailleurs rayonnent bien largement hors de ses frontières. La diégèse est lente mais dense, l’auteur prend le temps d’étudier, de décrire minutieusement chaque recoin de l’enquêteur et de ses tenants. Comprendre d’abord que la ville et la police sont vérolées jusqu’au moignon, par les mêmes groupes mafieux, et que de jouer les héros solitaires ne sert probablement à rien puisque le corporatisme est de mise et que personne n’aime ceux qui « balancent ». Dans le roman précédent de l’auteur slovaque, il était déjà question de clans mafieux, on la retrouve encore à Glasgow avec ses sbires locaux, aussi laids que les Slovaques, issus quant à eux d’une tradition de gangs violents.

En un sens, trouver Walter Maitland était facile. Il vivait dans une grande maison à Bearsden. On pouvait remonter son allée et frapper à sa porte. Mais trouver Walter Maitland dans ses crimes ? C’était ça, le défi. McCormack se représentait tous les méfaits de la ville – drogue, protection monnayée, paris clandestins, filles – déployés sur la carte tel un obscur labyrinthe. Et la bête qui rôdait dedans, le Minotaure de Glasgow, c’était Walter Stuart Maitland. À l’affût depuis des mois, McCormack avait parcouru les couloirs de ce labyrinthe, arpenté ses coudes et ses impasses, revenant sans cesse sur ses pas. Sans jamais se rapprocher, manifestement, du monstre tapi en son cœur.

L’ambiance est également rendue par de menus détails, qui ont leur importance, à l’image de tous ces Sir non-traduits, très protocolaires auxquels a droit McCormack : n’étant doté d’aucun titre de noblesse accordé par la reine, il s’agit en fait d’une façon de s’adresser à un supérieur hiérarchique ou à quelqu’un doté d’un grade militaire. Je n’avais encore jamais lu cela avant, ou peut-être était-ce rendu par un chef ou une autre traduction éventuelle ? Un Sir qui est d’ailleurs souvent rendu, aux hommes, par un fiston, très surprenant puisque l’expression est à la fois assez paternaliste et familière en français. De plus, j’ai beaucoup apprécié Duncan McCormack, un Écossais pur jus, un peu rustre mais droit, humain et plein d’autodérision, sa façon de se moquer de son accent, de revendiquer fièrement ses origines catholiques. 

Un régal que de lire Liam McIlvanney : j’y ai trouvé plaisir à le lire autant dans le fil narratif, que l’ambiance très typique, la figure du lieutenant McCormack et de la découverte historique et culturelle de Glasgow, et plus globalement d’un pays que je ne connais que très superficiellement, toutes les facettes de son identité, de l’entêtement d’un policier qui apparaît mal dégrossi, mais finalement le plus intègre de tous, au milieu de deux mondes qui s’opposent, mais qui finissent par se mélanger inévitablement lorsque les consciences de ceux trouver les coupables deviennent poreuses.

Les titres précédents de Liam McIlvanney

1969. Glasgow. Trois jeunes femmes sont allées danser dans un dancing populaire, elles y ont rencontré un garçon que leurs amies décrivent comme bien de sa personne et correct, elles ont été très discrètes sur cette relation, puis on a retrouvé leurs cadavres sur des terrains vagues, elles ont été violées et étranglées avec leurs bas. Les recherches piétinent, les policiers de la criminelle sont à cran, ils se perdent dans les détails. L’inspecteur principal Duncan McCormack est appelé pour auditer la désastreuse enquête, ce qui a le don d’irriter les membres de l’équipe qui ont déjà dû essuyer les railleries de la presse pour leur tentative vaine d’attraper le tueur en se mêlant à la foule des danseurs.
Parallèlement on suit Alex Patton, un perceur de coffres-forts venu de Londres pour cambrioler une salle des ventes dans sa ville natale et dont l’histoire croise celle du tueur à mesure que l’intrigue se noue et que McCormack est impliqué dans les deux affaires

Après trois années dans la nature, le baroudeur Gerry Conway est de retour dans son bureau du Glasgow Tribune. Mais trois ans c’est très long dans la presse et les temps ont changé – les lecteurs sont de moins en moins nombreux, les budgets très serrés et l’éthique jadis rigoureuse du journal part à vau-l’eau.

Avant, il était le reporter-vedette du journal mais à présent il est dans l’ombre de son ancien protégé, Martin Moir. Mais lorsque Moir est porté disparu au moment où une grosse affaire explose et qu’on découvre son cadavre dans une carrière inondée, l’enquête entraîne Conway au plus profond des bas-fonds de la ville. Bravant l’hostilité des gangsters, des politiciens ambitieux et des propriétaires de son propre journal, Conway s’aperçoit qu’il a encore suffisamment de ressources pour faire sortir un gros scoop. Mais tout le monde n’a pas envie d’entendre cette histoire alors que la ville se prépare à accueillir les Jeux du Commonwealth à la veille du référendum sur l’indépendance de l’Écosse.

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