44 Scotland Street

(Chroniques d’Édimbourg #1)

d’Alexander McCall Smith, Editions 10/18, 414 p.

  thumbnail_IMG_20170925_154923

           Une jeune étudiante, Pat, vingt ans, un peu perdue, décide de revenir vivre et travailler à Édimbourg après une année sabbatique passée à l’étranger. C’est ainsi qu’elle emménage avec Bruce, jeune bellâtre, agent immobilier, arrogant, imbu de lui-même. Son travail à la galerie d’art Something Special amènera Pat à vouloir prouver l’authentification d’un tableau qu’elle pense être un Samuel Peploe, peintre post-impressionniste écossais de la fin XIXème-début XXème siècle . Et sa cohabitation au 44 Scotland Street l’amènera à découvrir et côtoyer ses éclectiques voisins pour son plus grand étonnement et son plus grand plaisir.

          Voici la chronique des habitants d’un immeuble du 44 Scotland Street à Édimbourg. J’ai d’abord été tentée par ce livre car, à mon souvenir, je n’avais encore jamais eu l’occasion de lire un auteur Écossais. Des romans d’auteurs anglais ou irlandais, oui, mais jamais rien qui ne passe au pays de la licorne (oui, je viens d’apprendre que la licorne est écossaise, thx Wikipedia…).

          L’auteur, Alexander McCall Smith est  écossais de son état et professeur en droit appliqué à la médecine et bioéthique. Il est surtout connu pour ses séries de roman telles que Les Enquêtes de Mma Ramotswe, qui a la particularité d’avoir été la première femme détective du Botswana, ou l’auteur a passé son enfance. 44 Scotland Street est donc le premier ouvrage des « Chroniques d’Édimbourg », série qui a la particularité d’avoir été publiée sous forme de roman-feuilleton dans le quotidien Écossais, publié à Édimbourg, The Scotsman. Ainsi, et l’auteur l’explique clairement dans la préface du roman, la construction de l’ouvrage se révèle être différente d’un roman écrit d’un jet, puisqu’il est constitué de multitudes de petites « chroniques », publiées dans chaque nouvelle édition du journal. Pour tenir le lecteur en haleine, souligne t-il, « l’auteur doit retenir l’attention du lecteur, sollicité dans une multitude de directions ». Pendant ma lecture, j’ai vraiment ressenti cet effet haché, de textes adjoints les uns aux autres sans qu’il n’y ait pas vraiment de transition entre eux: le défaut de cette adjonction d’épisodes est marqué par un manque de fluidité dans l’enchaînement des articles. On aime ou on n’aime pas, c’est vrai. Cela ne m’a pas tellement dérangé, j’ai plutôt trouvé ce  déroutant et même quelquefois piquant. En tout cas, cela contribue de beaucoup à l’intérêt du texte et ça ne fait pas de mal parfois de sortir des sentiers battus.

          L’histoire, donc, de ce premier tome est simple, simplissime même: à travers les pérégrinations de Pat, personnage principal, on assiste à un chassé-croisé de certains habitants de l’immeuble, sis 44 Scotland Street, Édimbourg. A vrai dire, je serais directe, j’avoue que je n’ai pas été convaincue ni par les personnages et leurs interactions, ni par la trame du récit en arrière plan. Et cela même si je me suis effectivement plongée sans problème dans l’histoire, car elle n’est ni difficile ni ennuyante à suivre, mais tristement banale et plate. Pat pense découvrir une œuvre originale d’un célèbre peinte écossais, l’enjeu sera de savoir s’il s’agit effectivement d’une peinture authentique ou non. L’auteur laisse cette question en suspend tout le long du roman, laquelle par ailleurs trouvera sa réponse en toute fin du livre. Mais ce récit est, à mon point de vue, totalement désservie par la fadeur et la superficialité des personnages, sans parler  de la platitude de leur psychologie. Le personnage de Pat, totalement creux, n’a su réveiller ni ma sympathie, ni mon antipathie, tout au plus quelques pointes d’agacement. Ce qui me vient en premier lieu c’est sa rencontre avec Bruce qui se fait sous le signe du dédain, aussi bien d’un côté comme de l’autre, et c’est cent pages plus tard qu’elle en tombe amoureuse (!) pour finir par s’apercevoir, encore cent autres pages plus tard, que finalement, non, après tout, il n’est pas si bien que cela (!!). Je veux bien me dire que les certaines personnes peuvent être extrêmement versatiles dans leurs relations amoureuses mais qu’un garçon dont elle se rend clairement compte qu’il est totalement imbu  de lui-même et, qui plus est, paraît complètement inintéressant puisse finalement être l’objet de son amour m’a paru très peu crédible.  Cette relation aurait méritée d’être plus travaillée ou tout  du moins la psychologie de Pat, afin de mieux percevoir et comprendre les éléments de son double volte-face. Bruce, quant à lui, reste le garçon superficiel, idiot même, constamment décrit comme tel tout au long de la narration. Je dirais, ironiquement, qu’au moins, cela évite d’avoir à creuser ce personnage-ci. Mathew, le propriétaire de la galerie, restera ce garçon fade, gentil, lisse sans vraiment aucune personnalité propre. Domenica, la voisine de pallier riche et sympathique, reste à  mes yeux le personnage le plus réussi car elle amène un brun de folie et de fraîcheur. Malheureusement, encore une fois, je déplore qu’elle n’apparaisse que ponctuellement et que son personnage manque également de consistance. Globalement, à mon sens, tout manque de nuance: les éléments narratifs, les personnages, les descriptions ne sont que survolés. J’aurais vraiment aimé une approche plus en détail d’Édimbourg, une immersion réelle dans le concret mais, malheureusement, cela n’a pas été traité autant que l’on aurait souhaité. Certains éléments narratifs pêchent également par manque de cohérence: quid de l’importance des deux colocataires de Bruce et Pat, qui n’apparaissent jamais?

           Mais tout n’est pas si noir que cela: le récit fait parfois preuve d’une dimension corrosive qui n’est pas sans saveur. Je pense en particulier à la critique sous-jacente qui est faite de la psychanalyse à travers le personnage d’Irene et son approche de l’éducation, quelque peu particulière, de son fils Bertie. Qui plus est, les scènes de thérapie auprès du Dr Fairbairn, véritable imposteur en puissance,  en deviennent cocasses tant l’écart entre le ridicule de la situation (thérapie d’un enfant de 5 ans) et le sérieux du Dr (qui tente de trouver une explication grotesque – et faussement psychanalytique – à l’intérêt de Bertie pour les ours et les trains) est grand. Enfin, La critique sous-jacente des Tories, parti conservateur, est tout aussi délectable, comme le démontre  la scène du bal (extrait ci-dessous)  à laquelle participe seulement les organisateurs et leurs quatre invités, qui est totalement ubuesque.

          Finalement, Alexander McCall Smith dépeint une société Écossaise clivée, avec des personnages un peu perdus dans leur propre incapacité à changer, à l’image de Pat qui stagne en « deuxième année sabbatique », un Bruce qui se cherche une reconversion totalement invraisemblable, un Mathew, qui enchaîne échec sur échec, ayant comme seule échappatoire possible la galerie achetée par papa, Big Lou la barmaid qui vit dans le seul souvenir de son unique amour qui l’a abandonnée, Lisie qui tente de se construire en opposition à tout ce que représente ses conservateurs de parents, un psychanalyste et une mère tellement englués dans leurs convictions qu’ils en sont complètement à côté de la plaque. 

          Ce roman-feuilleton se lit rapidement et assez facilement mais pèche par manque d’épaisseur et par quelques longueurs, spécialement vers la dernière partie, qui finissent par lasser. J’ai lu ce roman en cinq- six jours et j’ai clairement refermé le livre, déçue, avec l’impression d’être restée sur ma faim. Cette excursion  à travers Édimbourg que nous offre ce récit est réellement trop brève et insuffisamment exploitée pour m’avoir donné l’envie de me plonger  dans les tomes suivants (ces chroniques d’Édimbourg comptent 11 tomes au total). Cette mini-fresque sociale est à certains moments divertissante et m’a provoqué quelques sourires mais elle  m’a globalement laissée comme un gout d’inachevé.

Todd consulta sa montre. Ils danseraient encore un peu – deux morceaux au maximum – puis on pourrait estimer en avoir fini avec cette soirée. L’honneur était sauf: le bal avait eu lieu et nul ne viendrait prétendre qu’ils n’avaient pas été capables de le mener à bien. La section sud du parti travailliste pouvait-elle se targuer du même exploit? Non, pensa Todd avec une certaine satisfaction. De toute façon, ces gens-là ne savaient pas danser. Voilà ce qui arrivait quand on avait deux pieds gauches. Il interrompit le fil de sa réflexion: l’image était très drôle, il faudrait en faire part à Sasha. Et même à Bruce, qui aimait les bons mots, quoiqu’il possédât un sens de l’humour parfois insolite. Qu’importe, il l’apprécierait davantage, de toute façon, que ces épouvantables Dunbarton, avec leurs élucubrations interminables sur les dentistes, les dents cassées et les sablés du Dr McClure. Quelles inepties!

Ma note: ♦♦◊◊◊

2 commentaires sur “44 Scotland Street

Ajouter un commentaire

  1. Alors, j’ai entendu parler de ce bouquin mais c’est vrai que je n’ai pas eu l’occasion de les lire (j’ai renoncé à compter mes livres qui attendent d’être lus :)). Mais je pense que ça vaut le coup de me pencher dessus, à l’occasion!

    J’aime

Laisser un commentaire

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑