Je ne vis que pour toi

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Valentine, jeune bretonne fraîchement mariée à Antoine Beauregard, arrive à Paris. Celui-ci l’introduit très rapidement dans la haute société, où elle fait la rencontre des personnalités littéraires en vogue dans le Paris germanopratin. Elle se lie d’amitié, de son côté, avec quelques personnalités féminine dont Colette. Très vite, une jeune femme de lettres américaine lui fait une cour assidue. Les deux femmes deviennent amantes mais l’américaine n’a pas pour habitude de se contenter d’une seule aventure. Tandis que leur liaison vire au désastre, Valentine se découvre une vocation d’écrivain et des velléités nouvelles d’indépendance.

Emmanuelle de Boysson

240 p.

Éditions Calmann-Lévy

Ma Note

Note : 2 sur 5.

Lorsque je me suis décidée à demander ce livre en lecture à la maison d’édition via le site Netgalley, j’étais assez partagée: le titre me semblait un peu léger, un peu fleur bleue, en revanche le résumé, mêlant cercles littéraires et aventures saphiques, me tentait énormément. L’auteure, Emmanuelle de Boysson, a un arbre généalogique assez charpenté, et elle-même a son actif d’un cv bien fourni: elle baigne dans le monde littéraire parisien, elle est cofondatrice du Prix de la Closerie des Lilas, qui récompense chaque année une romancière de langue française. Déjà l’auteure d’une œuvre prolifique, l’univers des femmes, de la littérature féminine au lesbianisme, dont il est question ici, occupe une place essentielle de son œuvre.

La vie de Valentine Beauregard apparaît d’abord comme celle de n’importe quelle provinciale qui a eu la chance de faire un beau mariage: une jeune femme émerveillée et fière, impressionnée et impressionnable, agréable, épouse attentive et soumise. Fort heureusement, cette jeune épouse bien propre sur elle évolue, elle s’enhardit un peu au contact d’un autre monde, elle se dévergonde, elle sort des tranchées. C’est tout juste à ce moment-là que le roman prend véritablement naissance, à mes yeux au moins. J’ai assisté avec plaisir à l’évolution de la jeune Valentine, qui engoncée dans sa fierté toute neuve de jeune parisienne collet-montée, s’ouvre à des horizons dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Un monde de plaisirs charnels, d’une jouissance inconnue, de sensualité mais aussi de beautés vénéneuses, d’amours trompeuses, d’aventures éphémères. Emmanuelle de Boysson a su faire évoluer notre jeune et timorée bretonne en une maîtresse avide et passionnée. Elle a su décrire les affres de l’amour saphique, dans le meilleur, mais dans le laid, dans la laideur du mensonge, dans les excès de la passion, et la souffrance de l’amour sans retour. La jeune épouse devient femme sous les yeux de ses compagnes d’écriture, sous les mains d’une compagne aguerrie, sise 20 rue Jacob. Une plongée à travers les cercles intellectuels parisiens, les salons littéraires, où se bousculent tous les noms de la littérature début de siècle, où règnent en maîtres Colette, Proust et bien d’autres, où les coups bas des uns ricochent sur les piques fielleuses des autres.

Le 20 rue Jacob

Le dénouement reste encore mon passage préféré du roman, où l’innocence des débuts laisse place au réalisme d’une désillusion amère, le paradis de Sappho finit par virer à l’aigreur née de la jalousie et de l’égoïsme, et aux vulgaires règlements de compte, loin des jeux sensuels et de la tendresse des débuts. Sur Lesbos, les idylles ont tourné aux vulgaires petites rancœurs amoureuses de l’Île Blanche, les sentiments de chacune sont finalement revenus de ce haut lieu divin, qu’elles s’efforçaient de bâtir à travers leurs petites escapades littéraires et rencontres privilégiées, pour s’ancrer dans une réalité froide et brute. C’est, finalement, cette Valentine-là, que j’ai le plus estimée.

Nathalie Clifford Barney

À ma grande surprise, les notes de fin m’ont appris qu’une des protagonistes du roman, Nathalie Clifford Barney, a réellement existé. À la lecture de sa biographie, il s’avère que l’auteure s’est largement inspirée de cette femme de lettres américaine de caractère aux hautes aspirations littéraires. J’avoue avoir été prise d’intérêt bien plus par sa personnalité à elle, plus complexe et sombre, que celle de Valentine. A la lecture de sa biographie, sur Wikipedia, sa vie apparaît d’autant plus extraordinaire, au delà de son orientation sexuelle qui finalement importe peu, qu’elle a été celle qui a redonné un élan à la littérature par la création de ses salons littéraires les « vendredis » fréquentés par les plus grands noms de la vie littéraire de l’époque, femmes autant qu’hommes.

En revanche, je m’attendais à un récit bien composé, au style délicat et profond. Et j’ai trouvé tout le contraire, un style très léger, peu crédible et surtout très superficiel, parfois trop versé dans le lyrisme, et qui m’a profondément agacé dès la trentième page. Je pense entre autres à l’usage répétitif des crispantes interjections « ma belle » lors des échanges épistolaires ou verbaux. J’ai parfois eu l’impression de découvrir un cercle de jeunes femmes écervelées, très précieuses, à l’égo surgonflé par la conscience de leur valeur, qui se servent de la littérature de passe-temps comme un autre, au milieu de jeunes mondaines totalement accaparées par l’organisation de garden-partys.

Le jardin embaume. Tandis que Renée de Brimont, Milosz et Philippe Berthelot parlent des signes avant-coureurs de la paix, Lily et Natty, en robes taille basse, dansent le shimmy avec Isadora Duncan, Lucie et l’actrice Réjane. De la terrasse, je les regarde se tortiller. Comment font-elles pour être si légère et si désinvoltes, moi qui ai été élevée dans le respect de la parole donnée, une morale qui me tenaille jusqu’à l’os? Coupe à la main, Lucie sort prendre l’air;

Même si la qualité du récit s’améliore au fur et à mesure du récit, je n’ai pas accroché au style de l’auteure, qui a tendance à faire des personnages un peu trop lisses. Toutefois, ce roman aborde le lesbianisme de front, il est au cœur même du roman, à une époque ou c’était encore une honte et un scandale. La femme est à l’honneur, quelquefois sous ses angles les moins nobles, néanmoins il reste une belle histoire d’émancipation féminine.

Attendrie, Renée est allée dans sa loge, où Nathalie lui a proposé de partir avec elle pour Lesbos. Le rendez-vous fut fixé à Vienne, d’où elles ont pris ensemble l’Orient-Express pour Constantinople. A leur arrivée, alors qu’elles s’attendaient à découvrir une île idyllique, des touristes avaient envahi le port ou un phonographe nasillait: « Viens poupoule, viens poupoule, viens. » Malgré leur déception, les deux femmes ont caressé le rêve d’y fonder une école de poésie, à l’image de celle de Sappho. Leur séjour fut interrompu par la menace de la Brioche de rejoindre sa protégée. Nathalie me confie qu’elle se désespère de voir Renée s’étioler. « Je suis brisée, écrit-elle. Puisse le sentiment qui nous unit me consoler de ces ruines. » Je ne vais pas lui répondre: elle pourrait s’imaginer que je la relance.

Après avoir caché la lettre dans ma boite à clef d’or, j’ouvre La Vie Heureuse. Une page est consacrée à la création d’un prix littéraire qui porte le nom de ce magazine auquel collaborent des femmes de lettres. Colette et Anna de Noailles font partie de ce jury féminin qui se veut une contre-proposition au prix Goncourt, jugé misogyne puisque, encore une fois, il a remis la timbale à un homme, Léon Frapié, aux dépens de Myriam Harry.

Pour aller plus loin

Fille de bonne famille, Juliette connaît ses premiers amours et ses premières déceptions dans les années 1970. Lorsque sonne la fin de l’insouciance, elle se lance, déterminée, dans sa quête du bonheur. Malgré ses efforts, son accomplissement en tant que mère de famille et épouse ne la comble pas. Tout comme son standing de vie plus que confortable ou son travail au théâtre. Juliette se tourne alors vers l’écriture. Elle entreprend de raconter une histoire familiale : celle du père Dantec, un ecclésiastique célèbre mort dans des circonstances troubles. Ce choix est loin de faire l’unanimité dans la famille. Sa mère, a qui l’on vient de diagnostiqué un cancer, lui demande ainsi d’épargner leur honneur. Mais avec le soutien de son époux, Juliette ne renonce pas et poursuit en secret son projet.

Depuis trente ans, Gaspard est le majordome de Jules Berlingault, vieux monsieur loufoque et richissime qui décide, sur un coup de tête, de lui léguer sa fortune. Mais rien ne va plus dans son immeuble : querelles de palier, déprimes, couple en crise… Jules se prend d’affection pour ses voisins, Patrick, Rose, Antoine, Luna, et les invite à l’île de Ré pour les vacances de Pâques.
Après une arrivée explosive, il leur propose un incroyable marché : s’ils parviennent à prouver qu’ils sont heureux en restant unis, ils hériteront de tous ses biens.
Dès lors, Gaspard, le narrateur à cran, n’aura de cesse de faire capoter cette comédie du bonheur. Entre doutes, duplicité et jeux de rôle, ses nouveaux amis se plieront-ils aux lubies de ce cher Berlingault, àla fois Pygmalionet farceur 

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