L’hiver

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Art se rend chez sa mère Sophia Cleves, qui habite à Chei Bres dans les Cornouailles. Il arrive en compagnie d’une jeune femme Lux, dont il vient de faire connaissance pour remplacer sa fiancée, Charlotte, dont il est fraîchement séparé. Une fois là-bas, Lux décide de faire venir Iris, la sœur de Sophia, après trente ans de silence mutuel. Les secrets de famille vont alors remonter à la surface tandis que les deux sœurs vont tenter de renouer une relation.

Ali Smith

320 p.

Editions Grasset

Ma Note

Note : 2 sur 5.

L’hiver suit l’automne: Ali Smith semble clore, avec ce titre, un cycle qui a débuté avec Le Printemps, quoi de plus normal. Un ouvrage par saison. Automne a été précédemment traduit en français et il semblerait, à la lecture de son résumé, qu’il n’y ait aucun lien autre que le titre entre les romans. Peut-être qu’un lecteur plus au fait des romans de l’auteure pourrait démentir ou confirmer cela. Ali Smith est l’une de ces romancières britanniques contemporaines en vogue, trois de ses romans ont été finalistes du Booker Prize, voilà pourquoi mon choix s’est porté sur son roman, très bien accueilli par la critique d’outre-manche, après avoir lu le résumé, qui me semblait pourtant très prometteur.

Voilà un roman, dont le ton et le style possèdent quelques airs avec ceux d’une autre grande dame de la littérature anglaise, Virginia Woolf. Si cette dernière a le don de vous submerger dans le flux de conscience de ses personnages, Ali Smith je crois peut prétendre à l’héritage de cette aïeule littéraire. Ce qui peut perturber sans aucun doute : j’ai encore en mémoire d’une de mes lectures de La promenade au phare, au cours desquels mon esprit s’est égaré le temps de quelques lignes à peine, ce qui m’a amené à totalement perdre le fil de cette narration particulière. Mais Ali Smith va plus loin encore que Virginia Woolf, ce monologue intérieur, elle le transpose en un flux d’expression ou monologue extérieur, si je puis dire, dans la mesure où, lors de certains dialogues, ses personnages s’expriment réellement, l’auteure ne transcrit que la parole d’un des interlocuteurs du dialogue, omettant tout à fait les réponses de l’autre. Le but d’Ali Smith est finalement le même, explorer ces personnages à travers le langage, et l’exploration et d’expérimentation de différents styles de rédaction, d’écriture.

La façon qu’a Ali Smith de modeler son langage ne m’aurait pas dérangé, j’aurais même trouvé cela intéressant, si j’avais trouvé un sens au fond de cette histoire. Ce n’est pas que j’ai décroché à un moment, c’est que je ne suis jamais réellement parvenue à trouver une accroche dans cette histoire de famille aux membres totalement jetés. Je n’ai jamais réellement trouvé d’intérêt à ces personnages déconnectés de tout et surconnectés aux réseaux sociaux. J’ai ressenti une espèce de désintérêt existentiel, presque désespérant, et douloureux pour le lecteur, de la part d’Art et de sa mère, qui a ignoré sa sœur pendant trente ans et d’Arthur, ce fils et neveu qui a perdu le cap de sa vie. C’est avec beaucoup de détachement que ces relations intrafamiliales sont dépeintes, les deux sœurs étant aux antipodes l’une de l’autre: la mère ancienne cheffe d’entreprise, terre-à-terre, plutôt détachée de tout, et qui voterait les conservateurs torries. Iris, la sœur hippie, qui a consacré sa vie aux réfugiés en s’expatriant en Grèce, qui voterait de son côté davantage parti travailliste. Forcément face à une sœur froide et quelque peu rancunière, Iris est peut-être celle qui parait la plus engageante de la famille, avec sa sympathie innée et sa complaisance et chaleur naturelle. Art est un garçon insupportable : incapable de faire un choix, incapable de s’assumer, pétri de la certitude naïve que tout va bien lui tomber cuit dans le bec. Typiquement le genre de personne qui aime se laisse guider par une main maternelle sans rien y trouver à redire.

Les meilleurs moments de ce roman restent les échanges des deux femmes qui confrontent leur point de vue, qui penchent tout de même chacune d’une certaine manière vers un extrémisme un peu borné l’une comme l’autre. Avec en fond la problématique du Brexit, qui par ailleurs n’est jamais nommé, mais qui semble dresser comme un obstacle infranchissable entre ces deux sœurs : un refus des étrangers qui confine la xénophobie face au don total de soi d’une Iris qui n’a de cesse de crier sa haine pour ce BoJo si antipathique. Si l’auteure a voulu illustrer cette Angleterre divisée en deux par une sortie de l’Union Européenne, elle a effectivement bien réussi à illustrer son propos. La critique sociétale est latente, notamment dans l’omniprésence de ces réseaux sociaux, et de ces nouvelles technologies, qui semblent isoler les personnages d’Ali Smith dans une sorte de solitude protectrice et douillette mais qui finit par se retourner contre eux : twitter, Google, Apple, Facebook, Twitter, tout y passe. L’auteure britannique illustre ainsi le ridicule à son paroxysme de la réalité virtuelle de ces réseaux, qui grignotent chaque jour un peu plus la réalité, et cette société qui leur a permis de prendre une telle croissance. Société qui est à l’image de cette cellule familiale éclatée, rongée par ses secrets, ou chaque sœur se bat pour sa vérité, qui s’avère finalement indécelable, enfouie quelque part entre les affirmations de l’une et les assertions de l’autre.

Google, dit sa mère. La nouvelle conquête de l’Ouest. Il n’y a pas très longtemps, seuls les fous à lier, les pédants irréalistes, les impérialistes et les écoliers les plus naïfs croyaient encore que l’encyclopédie proposait une lecture du monde, en tout cas, une grille de compréhension. Elles étaient proposées par des vendeurs au porte-à-porte à qui il ne fallait jamais faire confiance. Même l’encyclopédie, la vraie, on ne prenait pas pour argent comptant ce qu’elle disait au sujet du monde. Désormais, on fait confiance à des moteurs de recherche sans se poser de question. Ce sont les plus merveilleux des colporteurs qu’on ait jamais inventés. Plus besoin de glisser le pied dans l’entrebâillement de la porte, ils sont déjà au cœur de la maison.

Je n’ai pas aimé ce roman, j’ai eu bien des difficultés à m’accorder avec le style bien particulier d’Ali Smith ainsi qu’avec ses personnages qui m’ont paru bien antipathiques. Il contient quelques points dignes d’intérêt mais la description des personnages et du vide qui semble les habiter est quelque peu lassante au bout de deux cents pages. Je l’ai fini mais vraiment sans réel plaisir.

Il faut être réaliste, Charlotte. Ils viennent nous prendre nos vies, dit sa mère.

Je crois deviner ce que tu as voté, dit Iris. Dans ce soi-disant référendum. Ma sœur. La soi-disant plus intelligente des deux. Moi, j’étais l’indomptable. Soi-disant.

Mais qu’est-ce que deviendra le monde, Mrs. Cleves, si nous ne résolvons pas le problème de millions et de millions de personnes qui n’ont nulle part ou aller, dont les maisons sont devenues inhabitables, si nous nous contentons de leur dire de partir et de bâtir des clôtures et des murs? Ce n’est pas une réponse satisfaisante de déclarer que certains peuvent décider de la destinée des autres, de les inclure ou de les exclure. Les humains doivent se montrer plus ingénieux que ça, et aussi plus généreux. Nous devons trouver une meilleure réponse.

De colère, la mère d’Art serre les bras de sa chaise.

Ce soi-disant référendum, dit-elle, devait servir à empêcher notre pays de prendre en charge les soucis d’autres pays, et d’avoir à faire des lois autres que celles qui sont faites ici pour les gens d’ici.

Cela ne vaut que si tu considères qu’il y a eux et nous, dit Iris, et pas nous tous. Alors que l’ADN prouve que nous ne formons en fait qu’une seule et grande famille.

Pour aller plus loin

Daniel Gluck, centenaire, ne reçoit pas d’autres visites dans sa maison de retraite que celles d’une jeune femme qui vient lui faire la lecture. Aucun lien familial entre les deux pourtant, mais une amitié profonde qui remonte à l’enfance d’Elisabeth, quand Daniel était son voisin. Elisabeth n’oubliera jamais la générosité de cet homme si gentil et distingué qui l’a éveillée à la littérature, au cinéma et à la peinture.

Les rêves – ceux des gens ordinaires, ou ceux des artistes oubliés – prennent une place importante dans la vie des protagonistes d’Ali Smith, mais le réel de nos sociétés profondément divisées y trouve également un écho. Le référendum sur le Brexit vient d’avoir lieu, et tout un pays se déchire au sujet de son avenir, alors que les deux amis mesurent, chacun à sa manière, le temps qui passe. Comment accompagner le mouvement perpétuel des saisons, entre les souvenirs qui affluent et la vie qui s’en va ?

Quelque part en Angleterre, dans un hôtel appartenant à une chaîne internationale. Au cours d’une nuit, cinq femmes se retrouvent unies par le même destin. Sara Wilby, une femme de chambre, a fait une chute fatale. Désormais, son fantôme hante les lieux et veille sur les autres : Sophy, une SDF à qui la réceptionniste offre une chambre pour la nuit la réceptionniste, qui souffre d’une étrange maladie une journaliste hésitant entre la compassion et l’indifférence la petite sœur de Sara, Clare, déchirée par la perte de celle dont elle était si proche.

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