Fille A

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Aux yeux du monde, Lex Gracie est la Fille A. Celle qui s’est échappée à quinze ans de la Maison des Horreurs où ses parents la séquestraient avec ses frères et sœurs.  
Elle n’a plus jamais cessé de fuir depuis, mettant un océan entre elle et ses souvenirs. Mais lorsque sa mère meurt et la nomme exécutrice testamentaire, Lex ne peut plus esquiver. Il lui faut décider du sort de la Maison des Horreurs et obtenir l’accord des siens – ce qui signifie les retrouver, se replonger dans le passé qu’ils ont partagé et découvrir qu’ils en restent tous prisonniers. 

Abigail Dean

409 p.

JC Lattès

Girl A, 2021

Ma Note

Note : 4.5 sur 5.

C’est l’un des coups de cœur de ma sélection du Prix des Lectrices ELLE que j’évoque maintenant Fille A d’Abigail Dean bientôt en vente aux Editions JC Lattes : si le résumé peut évoquer quelques sordides affaires dont nous avons eu vent par les médias ces dernières années, le roman est une fiction pure. Je ne connais pas tous les drames d’abus et de séquestration intrafamiliaux qui ont été médiatisés dans les deux décennies précédentes, on a malheureusement découvert quelques maisons de l’horreur, mais les souvenirs que j’en ai ont fait écho au texte que j’ai lu. Mais ce texte-là a su donner une vision plus profonde et précise de tous les protagonistes pris au piège du basculement d’une seule personne dans un fanatisme dévorant

L’horreur, c’est bien le premier mot qui me vient à l’esprit pour désigner la misère matérielle, affective et psychologique qui a régné sur plusieurs années de vie de cette fratrie au sein de l’antre familiale. Mais c’est une horreur vécue et ressentie qui se transforme au gré de la lecture en un kaléidoscope d’autres impressions – compassion, admiration, mansuétude – grâce au talent de l’auteure. Celle-ci fait démarrer son récit sur la visite en prison d’une des filles, la fille A, Alexandra, ou la mère, incarcérée à la suite de la découverte de la maison, vient de mourir : on comprend alors que la mère était, sinon seule coupable, du moins la complice à minima. Si elle est effectivement la première que l’on blâme, la suite du récit, alternant entre digression au passé, afin de comprendre comment une telle situation a pu exister, et au présent, qui expose les relations entre les différents enfants rescapés, a la force de présenter une situation autrement plus complexe, et nuancée.

Ce bourreau maternel que l’on présente enfermée entre quatre murs en ce début de roman tient davantage de la victime, d’une spirale de folie dans laquelle le père s’est laissé progressivement prendre : aucune excuse n’est mise en avant par Abigail Dean, aucune tentative de disculpation, bien au contraire, j’ai ressenti qu’elle a davantage cherché à préserver cet espace entre préjugés, jugement à la hâte et condamnation et excuses et justification, pour en extirper ces explications qui ont mené à la folie d’un seul homme à asservir femme et enfants. Car c’est ce glissement vers le délire qu’il est utile de comprendre. Et qui fera comprendre cette dynamique familiale, qui a fini par avoir des conséquences sur les relations fraternelles, une fois exclue de l’autorité paternelle. C’est un récit qui m’a totalement pris aux tripes, mais aussi tenu en haleine, à chaque page tournée, on apprend à cerner un peu mieux toute la complexité de ces relations, et leur perversité. Il y a tant d’éléments et de mécanismes psychologiques en jeux, c’est édifiant et glaçant de rentrer dans cette intimité d’une famille dont la structure et les repères moraux ont volé en éclats, de rentrer dans la tête d’Alexandra la fille A, celle qui détient à la fois le poids et la responsabilité de la libération ultime, d’observer la résilience de chacun. L’une des choses, à laquelle il est vrai, je n’ai pas forcément réfléchi d’instinct, c’est que le traitement réservé aux différents membres de la fratrie par leur bourreau n’est pas homogène, et les rapports qui régissent la fratrie, après le tsunami de leur libération, sont finalement déréglés. Enfin, Abigail Dean a su éviter d’en faire un récit sombrant dans un voyeurisme inutile, et si la maltraitance est effectivement abordée de manière légitime, elle épargne cependant aux victimes le déballage de détails glauques sur d’éventuels abus sexuels, qui dans le fond n’apporteraient rien à la force de son récit. Même si dans la réalité, les choses en vont autrement.

Papa voulait que je vienne dormir à la maison, quelques nuits au moins. « Tous ces contacts avec ta famille, je ne sais pas si c’est bon pour toi. » C’était un vieux débat, qui resurgissait lors des occasions spéciales. Papa avait passé toute l’année précédente à protester contre ma présence au mariage d’Ethan. Quand ils m’avaient adoptée, mes parents s’étaient éloignés le plus possible de Hollowfield, et même si Maman affirmait qu’elle avait toujours voulu vivre plus près de la mer, je les soupçonnais d’avoir cherché à m’éloigner de cette région. A leurs yeux, le passé était une maladie que mes frères et sœurs portaient encore en eux. Une simple conversation suffisait à être contaminé.

C’est un récit mené, à mon sens, avec une sensibilité juste quand il s’agit d’évoquer les traumatismes de chacun, et de la fille A en particulier, et une efficacité relative jusqu’au bout, qui réserve encore d’autres tensions dramatiques. J’ai envie de louer la réussite de l’auteure a avoir démonté les ressorts d’un drame dont il est bien difficile de se détacher de l’horreur de la situation pour en comprendre les tenants et aboutissants.

– Arrête de rire, Lex, Lex… »

Il traversa la chambre et me saisit à la gorge. Sa paume écrasa l’amas de tubes et d’os. Pendant une seconde, pas plus, juste pour me montrer qu’il en était capable. Dès qu’il me lâcha, je descendis du lit, en toussant.

« Arrête, dit-il. Lex… Lex, s’il te plaît. »

Il tendit les bras vers moi, tout son corps cherchait l’apaisement. Mais comme toujours, les sentiments n’atteignirent pas son visage. Je pris appui contre le mur, aussi loin de lui que possible. La sueur se déplaçait dans mes cheveux, dans mon dos. Sur ses pattes d’insectes. »

Ne réveille pas Ana, dit-il. S’il te plaît.

– Certaines choses… » J’attendais que mon corps cesse de convulser, assez longtemps pour que je puisse mettre les choses au point. « Lesquelles, par exemple ? Le fait que tu étais pressenti pour monter sur le trône ? Sincèrement… le fils de Père ?

– C’est injuste.

– J’ai toujours pensé que tu serais notre sauveur. J’ai attendu. Je me disais : il n’est même pas attaché. D’un jour à l’autre maintenant. Quand il aura dix-huit ans. Dès qu’il pourra partir de son plein gré.

– J’ai essayé, Lex. Quand on était petits. Tu t’en souviens ? Quand je pouvais encore. Mais à ce moment-là… Le courage me manquait. »

Nous nous observâmes, de part et d’autre du lit. Il paraissait ratatiné maintenant. Ethan, avec son manque de courage et son visage qui attirait la compassion.

« Ce n’est pas le souvenir que j’en ai, dis-je. Ce n’est pas du tout le souvenir que j’en ai. »

La rentrée d’hiver 2022 de JC Lattès, c’est aussi

1939. Hans, le père de Jonathan Lichtenstein, arrive  en Grande-Bretagne après avoir échappé à l’Allemagne nazie  grâce au dernier convoi du Kindertransport. Presque tous  les membres de sa famille étant morts durant l’Holocauste,  il reste en Angleterre, où il tourne le dos à sa culture juive  allemande. Toute sa vie, Jonathan peine à comprendre  ce père taiseux, au comportement erratique.
À l’aube de ses quatre-vingts ans, Hans accepte d’affronte  les démons de son passé. Le père et le fils entreprennent  alors le voyage inverse jusqu’à Berlin et abordent  les questions trop longtemps laissées en suspens.

Hambourg. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la ville, sous occupation britannique, n’est plus qu’un champ de ruines. Épaulé par le lieutenant écossais James MacDonald, Frank Stave, l’inspecteur principal de la police allemande, tente d’oublier la perte de sa famille en s’investissant corps et âme dans son travail. C’est ainsi qu’il se retrouve à enquêter sur des morts étranges : des inconnus découverts dans les ruines, un « enfant-loup » sur les docks…
Des affaires dont personne ne veut, mais dont Stave sait le dénouement crucial.

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