La liberté des oiseaux

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De nos jours, Theresa reçoit une mystérieuse lettre annonçant le décès de sa sœur aînée Marlene. C’est à n’y rien comprendre. Car Marlene est morte il y a des années. C’est du moins ce que lui ont toujours dit ses parents. Intriguée, Theresa, accompagnée de son autre sœur Charlotte, part en quête de réponses. Se révèle alors l’histoire de leurs parents, l’arrivée à Berlin au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la carrière de leur père dans la Stasi, la suspicion et la paranoïa, l’influence terrible de son chef, Kolia. Mais surtout, la personnalité rebelle de Marlene, qui rêvait de fuir à l’Ouest…

Anja Baumheier

432 p.

Les Escales

Kranichland, 2018

Ma Note

Note : 4 sur 5.

Les Escales ont publié en novembre dernier ce roman au doux titre métaphorique qui s’épanche sur l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre, divisée en une République fédérale et une République démocratique, cette Allemagne même où l’auteure Anja Baumheier a passé sa jeunesse. La liberté des oiseaux est le premier roman de l’auteure allemande, qui consacre également ses deux autres romans à l’Allemagne de l’Est. C’est un contexte historique passionnant, un secret de famille intrigant, le synopsis a tout pour plaire, la couverture assez riche en symboles m’a plu immédiatement, ce furent les raisons qui m’ont poussée à lire ce roman.

Tout part de Rostock, tout finit à Rostock, ville hanséatique de Mecklembourg-Poméranie, un land de l’Allemagne de l’Est. Si la fin de la guerre a laissé l’Allemagne démantelée et exsangue, avec l’intégration à l’union soviétique en Allemagne de l’Est, c’est aussi le début d’un nouvel espoir : celui d’un retour à une vie normale, libre, paisible, peut-être prospère. Ce sont les promesses pleines d’attrait – et d’illusions, mais ça, on le saura qu’un peu plus tard – du collectivisme soviétique, du socialisme à la sauce autocratique. Toujours est-il, cette bulle d’espoir est ce qui a permis au peuple est-allemand de reprendre pied, se mettre au travail, construire une famille. C’est exactement la façon dont la famille Groen se bâtit : Johannes rencontre Elisabeth dans ce que l’on appelait le bureau des personnes déplacées, il rentre dans la Stasi, fier et certain de ses choix, convaincu de contribuer à une idéologie qui saura amorcer une nouvelle ère dans cette partie de l’Allemagne.

Même si l’intrigue, du moins celle dans le passé, car deux temporalités exposées sur deux fils narratifs se relaient, prend un peu de temps pour s’amorcer, il n’y a pas de moment où l’on s’ennuie, car il est aussi l’occasion de se rendre compte de la vie en RDA au-delà de toutes les représentations que l’on s’est fait par le biais des livres d’histoire ou des reportages télévisuels. Le temps de se prendre conscience du désenchantement progressif, au point de vue professionnel pour Johannes, abruti par les heures de présence à la Stasi, qui a du mal à s’habituer à l’omnipotence de ses supérieurs et de l’invasion et la mainmise de la sphère personnelle par le gouvernement en place. Et au point de vue personnel pour Elisabeth.

– On leur enseigne au jardin d’enfants que les armes apportent la paix et que la violence résout les problèmes. Regarde notre fille. A quatre ans, elle est déjà complètement endoctrinée.

Johannes vida son verre d’un trait.

– Je n’en reviens pas que tu dises ça, Lisbeth. La RDA est le meilleur système qui soit, et il nous incombe de le défendre. L’égalité, la solidarité, la justice, le pouvoir de la classe ouvrière, tu as oublié toutes nos valeurs ?

À travers le destin de cette famille, Anja nous dessine cette société est-allemande et les mécanismes du pouvoir perverti par les ambitions personnelles et les appétits despotiques de certains qui ont fait de la RDA une réplique d’une république socialiste dont le secret, l’espionnage et la délation sont les principes essentiels. D’ailleurs, est-il si étonnant que dans une société nourrie au culte du secret, les mêmes mécanismes aient été utilisés et reproduits à l’intérieur de la cellule familiale ? Les Groen sont l’exemple même de la famille qui a fait les frais du despotisme impitoyable de la gouvernance est-allemande : on prend conscience de la tyrannie de l’ordre appliquée à l’un des membres de cette famille. J’y ai appris, avec une certaine incrédulité, qu’ils procédaient à des marchandages de leurs prisonniers politiques, en les « vendant » littéralement à l’ouest. Nous sommes bien loin des valeurs d’humanité prônées à l’instauration de la RDA.

Même si parfois les fils narratifs ont tendance à s’emmêler, surtout en ce qui concerne la narration au présent, la famille Groen réserve son lot de surprises, de drames, d’élément sacrifié et perdus, un peu plus qu’une famille normale certes, à la fois victimes de circonstances historiques qu’ils ont subies, de la faiblesse de certains, de la mégalomanie d’autres. En somme, c’est une famille aussi divisée que le fut l’Allemagne, et même si c’est au prix de l’existence écourtée et abîmée d’un de ses membres, le temps de la réunification est peut-être venu.

Lorsqu’ils passèrent devant la maison d’Hertha, Kolia désigna sa fenêtre d’un signe de tête.

– Vanioucha, que sais-tu au sujet de cette madame Hinnerksen ?

– Pas grand-chose. Pourquoi ?

Johannes tournait l’alliance autour de son doigt. Il n’avait pas encore l’habitude de la porter.

– Ecoute-moi, notre jeune Etat ne compte pas que des partisans. Beaucoup de gens n’ont pas encore compris quel est notre objectif. Et beaucoup cherchent à nous nuire.

– Mais Hertha est inoffensive. Tu ne crois pas que tu exagères ?

Kolia secoue la tête.

– Non, hélas. Nous ne serons jamais assez prudents, Vanioucha. Certains préparent des actions de sabotage, d’autres répandent des rumeurs. Nous devons prendre les devants et agir contre eux, sinon ils réduiront à néant ce que nous voulons construire. Et, dans ce but, nous avons créé des structures spéciales.

Johannes s’arreta.

– Qu’est-ce que tu racontes ?

– Le K5, ça te dit quelque chose ?

– Non.

– K comme Kriminalpolizei. Nous avons créé un service chargé de lutter contre la propagation de slogans antidémocratiques.

Kolia sortit un paquet de cigarettes de la poche de son uniforme.

– Et comment vous procédez concrètement ?

– On cible des personnes suspectes et on mène des enquêtes discrètes.

Kolia alluma une cigarette.

– On cherche justement des collaborateurs. J’ai pensé à toi. On paie bien, et c’est un travail à horaires fixes. Pour toi qui auras bientôt une famille à nourrir, ce serait un bon poste. Qu’est-ce que tu en penses ?

Johannes réfléchit. Il devait beaucoup à Kolia et à ce jeune Etat. Il avait désormais une nouvelle patrie qui avait besoin de lui, et il avait déjà mis un pied dans son administration. Johannes était reconnassant d’avoir eu cette chance, et il était prêt à rendre service. Quoi de plus naturel que de défendre son pays contre ceux qui le menacent ?

La rentrée d’hiver 2022 des Escales, c’est aussi

Esther Safran Foer a grandi dans une famille dans laquelle le passé n’existait pas. Ses parents, rescapés de la Shoah, ne parlaient jamais de ce qu’ils avaient vécu. Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’elle parvient à combler les silences de son enfance.
 
Esther apprend fortuitement qu’avant la guerre, son père était marié avec une autre femme et qu’ensemble, ils avaient eu une fille. Elle est bouleversée d’apprendre l’existence de cette femme et de cette sœur inconnues, assassinées par les nazis. Esther décide alors de se mettre à la recherche de ce passé familial insoupçonné et de redonner une existence à ces deux personnes rayées de l’histoire.

New York, juin 1937. Tillie Schultz perpétue la tradition familiale et entre chez Steinway & Sons pour travailler auprès des « immortels », ces pianistes de légende comme Rachmaninov et Horowitz. Grande mélomane, son talent n’égale pas celui des maîtres qu’elle côtoie. Pour vivre sa passion, elle ne peut que se mettre au service de ceux qui possèdent le génie qu’elle n’a pas.

Hong Kong, septembre 2014. Xià, une étudiante chinoise, retrouve le plaisir de jouer grâce à Tillie Fù et à son Steinway. Elle s’autorise, pour la première fois depuis un examen raté, à poser ses doigts sur un clavier et interprète pour Tillie les airs que la vieille dame ne peut plus jouer. Si soixante-dix ans séparent les deux femmes, elles sont unies par une histoire commune insoupçonnée et par leur amour pour la musique qui projette sur leurs vies une lumineuse beauté.

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