La mort d’une sirène

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Copenhague, 1834. Le corps mutilé d’Anna, prostituée, est retrouvé mutilé. Hans Christian Andersen, le dernier homme à avoir été vu en sa compagnie, est vite accusé par la sœur d’Anna, Molly, de l’avoir tué. Il est emmené au cachot, et étant donné ses relations privilégiées avec Jonas Collin, il lui est accordé trois jours pour prouver son innocence. C’est avec Molly, bientôt persuadé de l’innocence de l’homme, qu’il va s’embarquer dans une investigation qui vont les mener dans les hautes cours de la famille royale et à trouver d’autres victimes sur la voie de l’inconcevable vérité.

A.J. Kazinski, 

Thomas Rydahl

414 p.

Éditions Robert Laffont

Mordet på en havfrue, 2019

Ma Note

Note : 3.5 sur 5.

Mêler contes et enquête policière, j’ai déjà tenté l’expérience avec Contes Barbares de l’écossais Craig Russell. Et le mélange des genres m’avait plutôt plu. Le titre La mort d’une sirène mêle lui aussi ces deux univers et Danemark oblige, il était presque inévitable de revisiter le mythe de La petite sirène. Mais il s’agit plus d’en détourner le titre, sous un angle assez ténébreux il est vrai, que de l’histoire par elle-même. Les contes ne jouent pas de rôle particulier ici, les trois auteurs danois, Thomas Rydahl et les deux écrivains qui se cachent sous le pseudonyme de A.J. Kazinski, Anders Ronnow Klarlund et Jacob Weinreich, ont préféré mettre au centre du roman l’histoire et la personnalité de Christian Andersen comme homme de lettres. En revanche c’est la première fois que j’ai lu un roman composé à six mains, ce qui ma foi ne change absolument rien

À vrai dire, ce roman n’a rien d’un conte pour enfants, c’est plutôt le contraire, le conte de fée est tué, souillé, tâché par le sang de cette sinistre réalité, avili par les princesses qui deviennent des prostituées, les princes des individus sinistres qui ne souhaitent pas brider leurs pulsions sexuelles, définitivement profané. Aucune allégorie ici, la sirène a perdu sa queue de poisson et bien plus encore. Les scènes de torture d’animaux je crois peuvent faire tourner la tête de plus d’un d’entre nous. À bien des égards, ce roman me rappelle 1793 de Niklas Natt och Dag: les mêmes bas-fonds avilissants, la même mise en avant du pire de l’homme. Il faut quelques fois avoir le cœur (et l’estomac) bien accrochés pour passer outre la répugnance que nous inspire l’horreur des scènes décrites. Noirceur et putréfaction sont au rendez-vous, Copenhague devient l’antichambre des enfers qui réunit tous les cercles de Dante en un seul. Tout est sale et corrompu, les plumes des auteurs danois n’ont décidé de n’épargner personne, pas même ce qui peut être de plus sacré, les enfants. Il est de ces textes qui rappellent que l’exécution des prisonniers est l’arme de quelques barbares, quelle que soit sa méthode.

Silhouette découpée par Andersen

La seule lueur, que dis-je, l’étincelle d’espoir qui brûle encore dans ce monde c’est l’imagination d’Andersen. Certes, ses auteurs ne sont pas plus tendres envers lui qu’avec reste de cette procession d’individus presque déshumanisés, et de ce lot d’absurdités quotidiennes. C’est un roman d’une noirceur absolue de la première à la dernière page, les meurtres ne sont que l’une des manifestations de cette noirceur crasse dont le trio danois ont tapissé leur récit. C’est un parti pris qui ne peut pas plaire, quant à moi, j’ai trouvé cela très cohérent de souligner la turpitude de la vie de cette population qui se débat continuellement pour gagner à peine de quoi tenir jusqu’au lendemain. Ils mettent en évidence comment la majeure partie de la population est sacrifiée pour qu’une faible partie d’entre elle puisse jouir, se gaver et se repaitre jusqu’à la nausée. Entre rue pleines d’excréments, de la prostitution avec des hommes vicieux et crasseux jusqu’à la moelle, à l’évidence les tavernes et l’alcool sont obligeamment mis à dispositions pour permettre à ces gens d’être davantage pressés. Jusqu’à la lie.

Je l’ai sacrément dit. Et je le répète volontiers. Que le roi est un idiot. Il ne veut pas donner le droit de vote à mon fils parce que je suis un paysan, mais il veut bien l’envoyer à la guerre. C’est le pouvoir absolu de l’idiot. En tant que paysans, c’est nous qui nourrissons le roi et tous les princes lubriques…

L’intrigue est assez bien ficelée, à six mains on en attendait pas moins, et inclut un Hans Christian Andersen, encore peu connu, qui se cherche, aux balbutiements de son art. Le suspens est bien entretenu, j’ai eu peine à voir ce qui pouvait motiver l’assassin, il faut dire que les auteurs ne nous révèlent que très peu d’éléments. Et j’admets bien volontiers que les motivations sont assez inattendues.

Comme je le précisais plus haut, la figure d’Andersen est vraiment ce qui donne de l’intérêt au roman: le lecteur assiste à la genèse d’un auteur, et d’un genre littéraire entièrement nouveau, le conte, qui finira par lui attirer la célébrité et la reconnaissance littéraire à laquelle il aspire. C’est un homme de lettres qui cherche sa voie, à coups de désillusions, déceptions, humiliations et incessantes remises en question. Les trois auteurs se sont appuyés sur sa biographie pour modeler un personnage assez fidèle à ce qu’il était. Auteur de pièces de théâtre et de drames, qui n’ont jamais vraiment connu le succès, notre conteur a exercé son talent dans le découpage de silhouettes en papier, ce qui est d’ailleurs le point de départ de notre intrigue. Au-delà même du fait de découvrir la personnalité, les facettes de notre auteur de contes, on assiste à l’évolution d’un auteur qui découvre l’inspiration, à travers ses péripéties, qui donne naissance à un nouveau genre littéraire. Même si cette trame narrative est totalement fictive, tout comme les faits à l’origine de l’inspiration d’Andersen, il n’empêche qu’elle donne cette touche de magie qui aurait manqué au livre: depuis le début, on se doute que le conte La petite fille aux allumettes naitra de ses aventures.

Seules quelques longueurs viennent alourdir l’ensemble, un peu de concision n’aurait pas été un mal d’autant que les atermoiements incessants d’Andersen deviennent un peu lassant. Quoi qu’il en soit, ce dénouement absolument glaçant laisse place au pouvoir créatif du conteur qu’il est devenu. Andersen a réussi à se transformer, à muter l’homme moqué et humilié qu’il était en écrivain respecté de contes. D’autres n’auront pas la chance de pouvoir vivre librement selon leurs désirs. D’autres encore meurent par la folie de certains dépassés par cette sensation d’emprisonnement qui les oppressent. La libération d’Andersen n’est passée que par le prix du sacrifice d’autres âmes, chèrement acquise.

La mort de la Sirène est à la fois un effroyable témoignage de destins scellés et condamnés avant même qu’ils ne soient nés, de la difficulté à l’individu à exister, à pouvoir changer, l’intransigeance d’un monde impitoyable et de la naissance créative d’Andersen, fictive certes, qui sort tout droit de l’imagination de cette équipe d’écrivains, Aucune pitié pour les uns plus que pour les autres, le jugement est sans retour, on ne se sort pas de sa condition. Voilà une histoire aussi terrible que passionnante.

Elle s’appelle Mme Knudsen. Et c’est bien la dernière personne à qui Molly souhaite parler. Mme Knudsen régnait déjà sur l’hôpital quand Molly y travaillait. Elle avait soutenu dès le début que la jeune femme succomberait à la pression du travail et au salaire misérable et qu’elle finirait par sombrer dans le péché. Dans l’ensemble, l’infirmière avait une façon toute féminine de parler avec condescendance à Molly et de l’humilier devant les autres filles. Celle-ci ne pouvait ni défendre ni répliquer quoi que ce soit. On ne répondait pas à l’infirmière, on se contentait de lui obéir. A certains égards, cela avait été pire, plus humiliant, que d’être une prostituée. Et maintenant, l’infirmière fait figure d’obstacle pour accéder à la clé que Molly doit se procurer.

Le regard de Molly se pose sur la vieille cloche en bronze dans un coin de la pièce. Elle ne sonne que s’il y a besoin d’aide dans l’aile ouest, où les fous, les âmes les plus tourmentées, sont soignés. Peu de choses ont changé depuis que Molly a cessé de travailler ici. Il n’y a que davantage de malades, davantage de pauvres. Molly a quelquefois pensé que Copenhague n’était rien d’autre qu’une usine à produire la maladie et la détresse.

Pour aller plus loin

À Copenhague, une nuit, une femme se jette du haut d’un pont. Niels Bentzon, négociateur au sein de la police de Copenhague, n’a pas réussi à la dissuader de sauter. Qui est cette femme ? Que fuyait-elle ? Et que signifie l’énigmatique message écrit sur sa main ? 
Niels ne tarde pas à découvrir que la victime n’était pas une simple déséquilibrée, mais une danseuse étoile, membre du ballet royal, qui avait disparu depuis deux jours. Et tandis que la ville est écrasée sous la canicule, l’enquête connaît de nouveaux rebondissements lorsque l’autopsie révèle que la femme avait déjà côtoyée la mort. 
Niels Bentzon et l’astrophysicienne Hannah Lund se retrouvent confrontés à une affaire qui va les mener loin dans les mystères de la mort. 

Un tueur sévit à travers le monde, avec des cibles pour le moins singulières : médecins, militants des droits de l’homme, avocats…Tous œuvrent pour le bien. Les meurtres sont d’autant plus étranges qu’une marque représentant une suite de nombres indéfinissables figure chaque fois sur le dos des cadavres. Niels Bentzon, négociateur au sein de la police de Copenhague, reconnu pour son talent mais incompris par ses homologues, est persuadé que c’est au Danemark qu’aura lieu le prochain drame. Mais qui peut être la future victime ? 
Aidé par l’astrophysicienne Hannah Lund, Niels va tenter de décrypter les brûlures laissées sur les victimes. Personne ne prend au sérieux ces deux personnages un brin fêlés, pourtant brillants, dont la quête devient de plus en plus impossible. La clé de l’énigme réside dans ces chiffres – mais que signifient-ils ? Qui est le mystérieux assassin et que cherche-t-il à montrer ? 

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