Le chant du perroquet

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Tiago rencontre Juliana, un soir, devant un bar et la ramène chez lui après quelques verres de caïpirinhas. Ils croisent son voisin Fabiano, vieil homme solitaire, qui vit en compagnie d’un curieux perroquet. Apeurés par les cris de l’animal, Fabiano les invite chez eux et leur confie son histoire, ainsi que celle de la femme qu’il a passionnément aimée. Jusqu’à ce que le coup d’Etat de 1964 sonne le glas de la liberté de la jeunesse brésilienne à la faveur d’une dictature militaire dirigée par le général Castelo Branco.

Charline Malaval

300 p.

Préludes Editions

Ma Note

Note : 5 sur 5.

Certains romans possèdent le merveilleux don de nous faire rêver et voyager, de nous ancrer à l’autre bout du monde, de nous poser au beau milieu d’une histoire, riche et foisonnantes, de vies, perdues dans l’immensité d’un pays et d’un continent, imperceptibles, indécelables, qui manqueraient de retourner dans l’anonymat, si la plume, l’œil, l’imagination d’un auteur ne s’était pas décidé à s’y attarder. Le Chant du Perroquet rentre dans cette catégorie de romans, et quand bien même j’ai beau avoir un attachement particulier à une certaine catégorie de littérature, je ne rechigne jamais à explorer d’autres horizons, le coup de cœur n’est parfois pas là où on l’attend. Et mon coup de coeur est bel et bien là.

Le Brésil est un de ces pays dont je n’ai que quelques images préfabriquées en tête, et j’avoue parfois un peu clichées: la forêt, le christ, les défilés de carnaval, les favelas, les terrains de foot, les longues plages surabondées, la mer d’un bleu profond, et l’infecte Bolsonaro. C’est toujours un plaisir pour moi de m’évader en Amérique Latine, les lectures que j’y ai faites, et je pense à L’Amour aux temps du Choléra, m’ont laissé des impressions littéraires aussi passionnés que colorés. Le roman de Charline Malaval n’y fait pas exception. Les déserts arides, une végétation racornie et desséchées, des cultures de maïs et de haricots noirs totalement fanées, c’est un Brésil dur et passablement aride, tant au niveau de la nourriture que des sentiments, auquel Fernando et Josefa font face: le manque de tout, eau, parents, argent, travail, nourriture, a bâti peu à peu des êtres tout aussi asséchés et indigents.

La région du Nordeste

Ce Brésil agreste des années 50 aux espaces démesurément désertiques, lourds et accablants, forme un contraste saisissant avec celui de ce nouveau siècle, profondément citadin, ou la légèreté des liaisons et des sentiments apaise ce sentiment d’oppression née du surpeuplement des villes, de l’intensification agricole et industrielle. Deux jeunesses, celle de Fabiano et de Josefa, face à celle de Tiago et Juliana, opposées en tout, ancrées dans un épisode de l’histoire qui a enterré des milliers d’opposants Brésiliens. Entre la pauvreté qui les accable, puis la dictature qui scelle non seulement le droit à vivre pleinement et dignement, leur droit à s’exprimer ses convictions librement, mais aussi et surtout leur destin.

Le contexte historique transforme ce bout d’histoires, celle du Brésil, celle de Fabiano, de Josefa, et dans un sens celle de Tiago et Juliana, en un récit particulièrement fascinant et passionnant, le genre qui vous tient en haleine jusqu’au bout du bout. Fabiano et Josefa traversent, dans le temps et l’espace, un Brésil impitoyable, aux frontières impalpables, par leur travail, mais aussi par leur passion et leur volonté aussi vive que farouche de vouloir s’élever dans la société afin de se sortir de leur condition. Deux caractères bouillonnants, deux personnalités ardentes qui vont se découvrir et s’imposer peu à peu, s’affirmer avec force, au son de leur voix, dans le monde impitoyable de la manufacture et des cadres de Volkswagen, après le coup d’État militaire de 1964, qui destitua Joao Goulart, président.

L’auteure française de ce beau roman, Charline Malaval, partage avec passion son amour pour ce pays, dont j’ai parcouru avec un empressement délectable les interminables routes aussi désertiques que poussiéreuses qui mènent aux grandes villes, Brasília, São Polo. Comment ne pas être envouté par le charme de ce récit mélodieux, ponctué par les affres d’une histoire, qui est à l’image du rythme de la vie, houleuse, orageuse, fiévreuse. L’auteure a eu le talent de retranscrire le rythme, les battements de ce fil de vie, qui s’assombrit sous les cieux dictatoriaux tout comme le destin des trois jeunes brésiliens. C’est un pays impitoyable partagé entre arrière-pays indomptable, mis à mal par la sécheresse exténuante et écrasante, comme l’est sa population, divisée entre ouvriers agricoles, du bâtiment, les candangos, les mécaniciens qui peinent à gagner de quoi manger et les gros bonnets.

Le récit est adroitement agencé entre deux temporalités: celle, actuelle, de Tiago, qui est à l’écoute du récit de ce Fabiano, qui raconte des histoires oubliées, avalées par la gueule du totalitarisme et de ses sbires. Si l’ensemble du roman est tout bonnement captivant, rien ne vaut la dernière partie du récit, lorsque notre auteure met un bon coup de pied dans la fourmilière, qui donne encore un peu plus d’intensité dramatique et de dimension au roman.

Le chant du perroquet est un coup de cœur inattendu, un récit puissant et mémorable sur les méfaits cette dictature à travers le destin de trois jeunes gens partis de la misère et de la poussière du Nordeste, rythmé par le son de la bossa-nova, sur la folie de ce coup d’état. Un putsch qui a transformé certains individus inoffensifs en tortionnaires pervers et sadiques. qui a assis les petits cadres zélés hostiles à l’amélioration de la condition de vie des ouvriers dans leur toute-puissance sans oublier les escadrons de la mort. Le chant de Chico le perroquet est le révélateur de cette vérité enfouie dans les archives de Volkswagen, que Tiago et Juliana, comme un double de Fernando et Josefa, mettront en lumière face au tout nouveau gouvernement conservateur.

C’est par un grand éclat de rire sinistre que sonna le glas de la démocratie pour Josefa. Tous les matins, le senhor Aleixo écoutait la radio, passait des coups de fil, et Josefa l’entendait régulièrement commenter les actualités depuis son bureau, derrière la double porte en acajou.

– Victoire! s’écria-t-il au point de faire sursauter la secrétaire. L’histoire ne retiendra pas ce mollasson de Jango.

Le jour du coup d’Etat militaire qui renversa le président Joao Goulart, Josefa était en train de prendre en sténo une lettre qu’elle devrait ensuite dactylographier, mettre sous enveloppe et confier à un coursier pour qu’elle soit acheminée le plus rapidement possible au P-DG de Volkswagen do Brasil, qui était alors en déplacement à Rio de Janeiro. Tandis qu’elle écrivait sous la dictée du père de Pedro, ils avaient été interrompus par un coup de fil. Il répondit pendant qu’elle attendait debout au milieu de la pièce, son calepin dans une main et son stylo dans l’autre. Il lui avait finalement fait signe de sortir d’un geste de la main sans considération, l’air de dire « du balai ». Il ne s’était encore jamais permis cela.

Derrière la porte, le senhor Aleixo s’était mis à rire aux éclats. Il ponctuait ses réponses de nombreux cris de victoire, d’onomatopées toutes plus bruyantes les unes que les autres et d’insultes envers la « racaille marxiste » qu’il souhaitait voir « crever », « pendue haut et court ». Il sortit de son bureau de manière tonitruante. Il voulait qu’elle assiste à sa joie. Josefa refusait encore de comprendre même si, depuis des semaines, les réunions syndicales auxquelles elle assistait dans le plus grand secret étaient agitées.

Pour aller plus loin

Il était grand, brillant, ambitieux et il adorait Jean Gabin, son modèle. Un à un, il avait gravi les échelons de la marine et voulait explorer le monde. En avril 1940, il disparait brutalement dans l’explosion de La Railleuse, un navire de guerre stationné dans la rade de Casablanca.
Il s’appelait Guillaume, il venait d’avoir vingt ans.

Elle est vive, passionnée et sensible. Le Maroc d’aujourd’hui l’enchante et elle est sûre que, un jour, elle parviendra à réaliser son rêve : ouvrir dans sa ville un cinéma d’art et d’essai. Mais son histoire est bancale : elle ignore tout de sa famille paternelle.
Elle, c’est Loubna, elle a presque trente ans.

Pour construire son avenir, la jeune femme devra creuser son passé et percer le mystère qui entoure le marin de Casablanca.

Sur la plage de la Preneuse à l’île Maurice, deux femmes attendent un bus qui ne viendra pas. Il sera devancé par le cyclone.Emma est en train de se dorer au soleil sur une plage de l’île Maurice quand son destin bascule. Elle doit rentrer en France de toute urgence, mais un cyclone l’en empêche. Aucun avion ne décollera jusqu’à nouvel ordre. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, sa route croise celle de Priyanka avec laquelle elle se retrouve enfermée dans une maison tandis que les éléments se déchaînent. Mais Emma réalise trop tard que la fureur qui gronde en cette jeune femme est bien pire que le cyclone lui-même.

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