Les héroïques

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Wanda a soixante-huit ans, elle vit à Cracovie avec son mari Edward, un homme qui l’aime, ils ont deux enfants ensemble. Mais elle est aussi atteinte d’un cancer au stade terminal et son espérance de vie ne se résume qu’à quelques mois. Son corps lui échappant de plus en plus, Wanda fait un bilan de sa vie et se rend compte qu’elle ne veut pas mourir à petits feux. Elle se met alors à réfléchir sur le dernier choix qui est le sien pour éviter de finir totalement invalide.

Paulina Dalmayer

240 p.

Editions Grasset

Ma Note

Note : 4 sur 5.

Paulina Dalmayer est une journaliste née en Pologne, qui a étudié en France et a passé quelques années au cœur des conflits du Moyen-Orient pour exercer son métier. Vous pouvez consulter quelques-uns de ses articles, dans lesquels elle exerce une langue acerbe mais toujours à-propos, sur le site de l’association suisse Bon pour la tête. Dans ce deuxième roman qu’elle publie après Aime la guerre !, elle revient dans son pays natal sous la forme d’une presque-septuagénaire, rongée par un cancer incurable. C’est, non pas avec joie que je retourne en Pologne puisque le sujet de l’euthanasie est pour le moins sensible et franchement peu réjouissant, mais avec empressement, d’autant que ses souvenirs sont encore tout frais dans ma tête et que quelques retours en arrière dans l’histoire ne font jamais de mal.

L’auteure situe une partie de son histoire dans la belle Cracovie qui abrite un couple de notables que rien ne distingue d’un autre couple de notables composé de Wanda, anciennement pédiatre, et Edward, député de son état, excepté que la femme est confrontée à un compte à rebours oppressant et anxiogène, intolérable, celui de sa mort imminente. C’est une sacré personnalité que celle de cette femme déterminée, elle m’a immédiatement fait une forte impression qui ne s’est pas démentie par la suite, jusqu’à la toute fin. Une femme belle, intelligente, dotée d’un caractère bien trempé, qui lui a permis de survivre à une famille, pour le moins pathologique, dans une Pologne d’après-guerre. Peut-être parce qu’elle est devenue médecin, c’est une survivante, qui a bien du mal a accepté la déchéance de la maladie et le mal qui ronge son corps, un peu prématurément.

Un ultime retour dans le passé avant l’inexorable issue alors même que Wanda touche du doigt sa propre fin, c’est à la fois presque dérangeant et angoissant, puisque cela nous renvoie à notre propre fragilité, et presque encourageant, cela donne envie de profiter de sa propre vie peut-être autrement, peut-être mieux. C’est un ultime combat que se livre Wanda, surtout contre elle-même et son corps à bout de force, mais heureusement l’esprit ne faillit pas. Un bilan, une dernière rétrospective de son existence, de ce qu’elle va laisser en héritage à ses filles, Gabriela et Martha, le mal tout à fait familiale pour la première, l’indépendance pour la seconde, et à son mari, Edward. Elle évoque avec sensibilité les fragilités de sa vie, qui ont été celles de ses parents, disparus trop tôt, et de son frère Wladek, qui sont aussi celles de sa fille. C’est ce que je préfère peut-être dans un roman, c’est de découvrir et comprendre les failles de ses protagonistes, observer la manière dont ils les assument et vivent avec, qui les submerge parfois, qu’ils parviennent à dépasser souvent, la manière dont leur auteur les exploite. Et Wanda, qui elle-même n’a pas été touchée personnellement, se voit confronter avec cette maladie, ce qu’elle nomme originalité et doit se battre contre elle avec sa fille. C’est aussi à travers l’art dramatique que son existence prend un véritable sens, où elle découvre qu’il faut lui donner un sens.

Il y a aussi le couple qu’elle forme avec Edward, un couple solide de par la liberté et les concessions qu’ils s’accordent l’un l’autre. L’union de ces deux personnalités intelligentes et posées apportent à ce récit une réelle épaisseur, l’un comme l’autre disposent d’un pouvoir de réflexion, d’un recul et d’un sens de la pondération qui ont contribué à la réussite de leur vie commune. Wanda, n’est pas que cela, car elle faisait aussi d’une troupe de théâtre, dirigée par Ludwik et Grotowski. Son moyen à elle de transcender une vie un peu plate qu’elle vivait alors chez sa mère, une vision du chef qui finit par l’éblouir et donner un sens à des œuvres littéraires un peu passées. C’est par ailleurs lors de l’évocation de ces adaptations théâtrales que les sens de Wanda laissent libre cours à une forme de ravissement, dans la mesure ou l’Art dramatique sert une vérité, celle de l’Holocauste. Le théâtre comme fuite en avant en temps troubles, ou les menaces de guerre planent dangereusement.

C’est un récit d’une tragédie inéluctable et à la fois d’une sobriété remarquable, car Wanda vit au seuil de la dépossession d’elle-même, cette ultime étape avant la mort, celle de l’acceptation, non seulement de sa propre fin, mais aussi celle de son identité, On ressent avec émotion les dernières tentatives de cette femme mourante de s’emparer de l’essence de la vie, peut-être une dernière expérience spirituelle, d’une connexion avec un au-delà qui lui permet d’envisager sa fin avec sérénité, dans un sentiment de paix et de quiétude ultime, en accord avec elle-même et non contrainte, forcée et alitée dans un environnement inhospitalier. La question de l’euthanasie, qui n’est jamais abordée de front, est traitée avec dignité et respect, sans débat inutile ou stérile, comme ultime preuve de liberté d’une femme indépendante, qui a toujours fait ses choix en conscience.

Quel bonheur que de ne plus avoir le goût de lire les journaux. Qaund j’y pense…. Cette folle énergie que je déploie à la recherche de l’essence de la vie, alors qu’elle est probablement toute là, illustrée par la posture d’Edward, qui roupille les fesses enfoncées dans le fauteuil en similicuir et la tête posée sur mes pieds.

Enfin, d’une page à l’autre, Paulina Dalmayer retrace avec succès le témoignage d’une Pologne révolue, celle de l’avant-guerre à travers les recours à la mémoire de la mère défunte depuis longtemps. Et la Pologne d’après-guerre assujettie à son géant voisin soviétique, où règne la psychose de se faire arrêter, ou les dénonciations relèvent du quotidien. L’auteur évoque avec précision, ce qui à mes yeux contribue à la richesse de ce roman, la façon dont le système broyait ses gens, d’autant plus lorsqu’ils sont des opposants au régime.

La Pologne des années 50. Diantre… Une blague d’alors disait qu’il y avait un seul communiste en Pologne, mais puisque personne ne savait qui c’était, il fallait se méfier de tout le monde.

Cette profonde et ultime introspection devant une mort inéluctable, alors même qu’elle avait trouvé dans sa vie une sérénité certaine est saisissante, Wanda apprend à accepter non seulement sa mort, ce qui paraît une étape difficile voire impossible, mais aussi sa lente déchéance, qui la rend presque impotente. Le lecteur accompagne la narratrice, presque, jusqu’à sa fin, laissant la toute dernière place à son mari Edward et le lecteur, seul avec la conscience aiguë de sa propre échéance. C’est un puissant rappel à notre mortalité, peut-être nos convictions inébranlables, qui peuvent être mises à mal par une maladie dévastatrice.

Un des maîtres-mots de Grotowski, « essence », est ainsi entré dans mon vocabulaire. Dès lors je n’ai cessé de me demander : qui suis-je ? Comment savoir en effet ce qu’est notre « essence », et quel est notre « rôle », si le « rôle » pénètre l' »essence » au point qu’elle en devient l’entité constituante, à l’exemple de ce qui est arrivé au païen Genès ? La question a pris une tout autre dimension depuis que je compte les jours qui me séparent de ma mort : quelle forme donner à ce point concluant ma vie ? Quant à son sens, je ne le cherche pas. Mais la manière précise dont se déroulera mon agonie, la mise en bière, la cérémonie funéraire, et jusqu’au choix du cercueil, me préoccupent beaucoup. Je refuse qu’on improvise avec mon cadavre, comme ce fut le cas avec celui de ma mère, même s’il faut reconnaître une certaine corrélation entre les excentricités dont elle était sporadiquement capable et le rite funèbre que lui a réservé mon frère. Peut-être même, et vraisemblablement malgré lui, à travers son acte d’apparence insensée, sinon profanateur, Wladek aurait-il saisi l' »essence » de notre mère.

Pour aller plus loin

En 2010, guidée par Kessel et Bouvier, Hanna s’envole vers L’Afghanistan. Kaboul offre mille sujets : corruption et désert institutionnel, trafic, bavures des armées régulières et coups tordus confiés à des sociétés privées.

Mais enquêter implique de côtoyer aussi les aventuriers qu’un autre genre d’ambition attire vers les régions du monde sous tension.

Or Hanna aime les hommes aux manches retroussées. Qu’ils aient un revolver dans la poche et dorment sur un matelas rempli de billets ne la dérange pas. À compter de sa rencontre avec Robert, ancien mercenaire, et Bastien, ancien agent de renseignement, le séjour d’Hanna prend une autre tournure.

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