Cordillera

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On dit que la cordillère des Andes vibre à l’écho des vies qui y défilent.

Dans le Chili du début du xxe siècle, la famille Silva, respectée et crainte dans le village, est auréolée de mystère. Cecilio, le père, taiseux, les mains dans la terre rebelle. Luisa, la mère, mapuche, qui connaît le pouvoir des chants et des plantes. Esteban, l’aîné, amené à découvrir, ébloui, l’univers des poètes et de l’imprimerie. Joaquín, le cadet téméraire, gardien de troupeaux, mû par l’appel des cimes. Nombreuses sont leurs épreuves : la colère de la terre, la violence des hommes, la mort, le traumatisme de la guerre. Le clan fait face, soudé par un amour pudique. Dans cette nature indomptable, des cols glacials aux vallons ombrageux, des pâtures verdoyantes aux mines du désert de l’Atacama, chacun chemine vers son destin, sa liberté.

Delphine Grouès

336 p.

Le Cherche-Midi

Ma Note

Note : 4 sur 5.

Le sang des leurs avait coulé. Un homme y sera noyé, parole de Silva.

Le Cherche-Midi nous propose un roman de Delphine Grouès, une auteure française qui a publié précédemment chez stock un roman en coécriture avec Olivier Duhamel, Carmen et Teo. Comme dans ce dernier titre, Delphine Grouès a eu à cœur de nous faire partager sa passion pour le Chili, ses paysages, en particulier la Cordillère des Andes, son histoire. C’est donc un premier roman, qui trouve ses prises dans la chaîne de montagnes ondine, au travers de l’histoire d’ouvriers agricoles et d’arrieros (muletiers), la famille Silva. C’est cette promesse de dépaysement qui m’a attirée, les Cordillères des Andes m’apparaissant comme tous les massifs montagneux un peu mythique, aussi mystérieux que grandioses. Avec dans un coin de ma tête, le générique lancinant des mystérieuses cités d’or (paie ta référence, oui…), d’autant que les deux fils prodigues du couple Silva, et Cecilio et Luisa, sont prénommés Esteban et Joaquín.

Cordillera, toponyme hispanophone transparent, débute un siècle plus tôt, au sein d’une famille dont le chef de famille est ouvrier d’une hacienda, une exploitation agricole, un inquilino (que l’auteure choisit de traduire par le mot péon, soit un salarié de bas statut) aux ordres d’un patron : Don Luis Armando. De l’autre côté de l’arbre généalogique, il y a Evaristo, Demetrio et Pancho. Des hommes comme s’ils avaient toujours été là, vivant dans un coin des hauteurs andines, à cheval ou à mule, célébrant les présents, commémorant les décédés, protégeant en tout cas leur bout de territoire andin contre les bandits qui rodent. Delphine Grouès ne va pas faire de longs retours en arrière pour portraiturer les Silva, elle choisit d’aller de l’avant en filant sa narration sur les deux fils Silva : l’aîné Esteban va se découvrir une âme de poète au contact de son oncle, le troubadour Demetrio, le cadet Joaquín a au contraire les pieds bien ancrés dans la terre et se veut comme le successeur de ce grand oncle, libre comme le condor, un arriero indépendant. On grandit vite, pas forcément bien, au creux de l’aridité et de l’austérité de ces montagnes, l’enfance de Esteban et Joaquín ne fait pas long feu.

Ce roman est une fenêtre grande ouverte sur la vie d’une famille de paysan, sans la moindre ressource que celle de ses bras et de la solidité des liens du clan, qui font d’eux des gens respectés, et craints, dont la force des rapports leur permet de surmonter les pertes et coups durs, et d’aller de l’avant. Pas d’intrigue aux rebondissements aussi inattendus qu’incessants, mais un long récit qui se rapproche de la fresque familiale, entrecoupé d’apartés historiques – que j’ai lu avec beaucoup de plaisir – sur ce Chili de début de XXe siècle, de ses groupes ethniques, des mapuches dont est issue la lignée maternelle, et de ce bouillonnement culturel qui au fil des siècles a fondé le Chili, entre Incas, colons espagnols et l’armée créole. 

Le portrait de cette cordillère des Andes impériale est plutôt réussi : minérale et végétale, escarpée, ensauvagée, terriblement impitoyable, de par ses risques d’accident, d’attaque de puma ou de quelconque bandit, et presque ensorcelante, ceux qui l’habitent sont à son image, ceux qu’elle retient n’en repartent jamais. De là où ils vivent, Les Silva se situent juste entre terre et ciel, cette terre nourricière que bat Cecilio à longeur de journaux, ces esprits guérisseurs des cieux familiers de Luisa : comme une transhumance incessante. Une famille de paysans, entre troubadours, ceux qui distillent la parole à travers leur poésie, guérisseurs, comme la mère, de travailleurs de la terre, un entre-soi au service de grands propriétaires, ceux-là même qui régissent la vie économique du pays. Et en un détour, on quitte un instant la vie andine pour les terres désertiques du Chili, perforée par les multiples mines de salpêtre ou de cuivre de l’Atacama du nord du pays qui dépouillent le sol de ses matières. Un enfer sous-terrain qui rend les hauteurs andines un peu plus amicales.

Esteban s’évadait, se vouait à la puissance de la lecture, à la vénération sensorielle du livre. Chaque moment était clef dans l’amorce de l’envoûtement.

Prendre le livre entre ses mains, sentir sa texture, l’odeur du papier. Déchiffrer le titre, tourner lentement la première page, l’ultime respiration avant d’amorcer la lecture, la première phrase, l’envoyée. Le col du mi-roman, la reliure qui bascule, les feuillets qui s’éclipsent, les dernières pages qui filent entre les doigts, l’irruption du blanc closant le texte. La couverture qui se referme dans un soupir. Le silence. La séparation, voire le deuil. Puis, le renouveau.

Lors des fêtes de l’hacienda Santa Victoria, Luis Armando demandait à Esteban de réciter des chants du poème épique La Araucana qui retraçait la conquête espagnole de l’Araucanie. Le garçon choisissait toujours ceux qui louaient le courage et la noblesse des Araucans, reléguant les vers célébrant les conquistadors. Le père Bixente s’en amusait et le lui avait fait remarquer. Quel est le problème ? lui avait répondu Esteban. J’obéis au Patron et en même temps je salue les ancêtres de ma mère. N’est-ce pas cela, le libre arbitre ?

Malgré la rigueur de la vie des Silva, l’auteure nous transmet la beauté âpre de la vie du clan, entouré de cette chaîne de montagne. Isolés en un sens dans un écrin de terre de cette région des Maule, la séparation et la plongée dans le reste du Chili n’étant que temporaire. L’écriture de l’auteure rend honneur à la poésie portée par Esteban, qui ne cesse de couvrir le récit de ses octosyllabes, cette cordillère est une source renouvelée d’inspiration : ce texte est parsemé de passages, d’interludes en italique, qui fait de Delphine Grouès une poétesse louant la vie de la famille Silva. 

Printemps 1909.

Sept ans plus tard, les villageois les appelaient les jumeaux. Gare à ceux qui attaquaient l’un, l’autre rappliquait à la vitesse de l’éclair, le poing fermé. Si Esteban avait hérité, du côté maternel, de la chevelure lisse, la finesse des traits, des pommettes légèrement saillantes de leurs ancêtres mapuches, Joaquín tenait du caractère et des attributs des Silva. Râblé, la toison hérissée, à treize ans il était déjà plus fort certains adultes.

Esteban n’avait plus revu Demetrio depuis leur voyage mais cultivait son art, composait des poèmes et apprenait des plus âgés les romances de la tradition. Ses lèvres chuchotaient à longueur de journée.

Joaquín gardait de la petite vérole quelques cicatrices sur le visage qu’il s’amuserait, avec le temps, à présenter à la gent féminine comme les vestiges de ses luttes héroïques contre les bêtes de la Cordillère. Son caractère bagarreur avait été avivé par sa lutte contre la maladie. Il vouait un culte à son grand-oncle Evaristo et avait intégré la lignée des arrieros avant me qu’on ne le lui propose.

Les arrieros, ces hommes de la Cordillère profonde qui veillent sur les troupeaux, drapés dans leur libre solitude. Le travail, « là-haut », était ardu, périlleux, parfois traître, mais les arrieros étaient liés indéféctiblement à la Cordillère. Ils savaient aussi bien relever les défis d’un ciel enragé que rendre les armes face à elle. Taiseux, ils parlaient leur propre langage. Ceux qui n’étaient jamais traversé les premières chaînes de montagnes, les habitants d' »en bas » ne pouvaient comprendre. Les mots manquaient de couleurs, de sens et de splendeur, pour dépeindre la réalité de ce monde qu’ils avaient baptisé al interior, à l’interieur. Le monde des intrépides, à la source des crêtes.

Le Cherche-Midi, et sa rentrée d’hiver

Bomarzo est l’autobiographie imaginaire de Pier Francesco Orsini, prince de la Renaissance italienne, qui connut l’infortune de naître bossu – qualité qu’il compensa par un désir illimité de beauté, de grandeur et de vengeance.

Lui qui comptait parmi ses proches des papes, des chefs de guerre et des courtisans distingués possédait en outre une grande culture et une imagination extravagante. Ainsi le vit-on rassembler des sculptures de pierre aux formes monstrueuses près de son château, dans un lieu déréalisant qui sera, quelques siècles plus tard, fréquenté « religieusement » par les surréalistes.

Mais revenons à Bomarzo, le roman-romanesque monumental que vous tenez entre les mains : écrit dans un style baroque effréné, il réussit comme peu d’autres à mêler la réalité et l’imagination, l’histoire et la fiction, sans craindre de hisser les paradoxes de l’humanité à la hauteur des miracles. Ici, l’euphémisme est haï ; ici, le cynisme n’empêche pas la plus impressionnante des lucidités. Et pour cause : Orsini demeure le symbole de cette époque où des crimes effroyables et le goût sauvage du pouvoir ont suscité les plus grandes œuvres de l’esprit et de l’art.

1830. Gus Landor est un vétéran en retraite de la police de New York. Personnage complexe, usé par les années de service et les tragédies personnelles, il répond à l’appel des autorités de l’académie militaire de West Point lorsque la dépouille d’un élève-officier est retrouvée atrocement profanée. Pour mener son enquête, Landor prend pour assistant un cadet de l’école, sombre et tourmenté, nommé Edgar Allan Poe. C’est le début d’un terrible voyage au cœur des ténèbres pour les deux hommes qui, lancés sur la piste d’un tueur machiavélique, devront affronter leurs propres démons alors que l’académie entière est prête à basculer dans la folie. Tandis que les cadavres s’accumulent, Landor et Poe pénètrent les arcanes mystérieux de West Point, entre sociétés secrètes et sacrifices rituels, jusqu’à une conclusion aussi stupéfiante qu’imprévisible.

4 commentaires sur “Cordillera

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  1. Merci ! Et l’activité dure jusqu’en décembre 2023, ce qui laisse pas mal de temps.. je te mets le lien vers le récap, où tu auras aussi la présentation de l’activité (modalités,…).

    Bonne fin de journée !

    Aimé par 1 personne

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