American Airlines

Difficile d’échapper au démon du jeu quand on a été élevé par une mère vivant des cartes et de ses charmes, surtout lorsque l’on quitte l’armée les poches vides, contraint de regagner le nid familial. Kirby enchaîne les parties de poker dans les arrières salles d’entrepôts et les riches salons d’hôtels particuliers à la recherche du pigeon idéal. Il faut bien gagner sa vie et de quoi combler la flamboyante Charlène… Le tout est de garder la tête froide et de ne pas se faire remarquer. Plutôt raté quand on se retrouve avec des tueurs à ses trousses…

Thierry Brun

223 p.

Kubik Editions

Note : 3 sur 5.

C’est l’excitation qui prédomine, le contact du feutre sous les mains, la façon dont le croupier jette les cartes.

J’ai reçu le mois dernier ce titre des Éditions Kubik. Il appartient à la collection Outrenoir, qui expose toute une lignée de thrillers et autres romans noirs. L’auteur est Thierry Brun, et le roman laisse présager tout autre chose que le titre semble annoncer à première vue. Sauf si vous êtes un-e joueur-euse aguerri-e de Poker, ce que je ne suis pas. Il n’est donc pas question de séjour aux États-Unis ou d’un quelconque détournement de l’air au sein de la compagnie d’aviation qui porte le nom. On va parler de Poker, mais pas le classique, la variante que l’on nomme Texas hold’em. Je ne rentrerai pas dans les détails, on ne s’en sortirait pas et je ne m’y suis pas penchée plus que ça, mais ce serait une variante du poker ou chaque joueur reçoit deux cartes qu’il garde cachées, il devra faire une main à l’aide des cinq autres cartes étalées sur le tapis. L’American Airlines est le surnom donné à une paire d’as, quelque soit la couleur.

Nous n’allons donc pas aux Etats-Unis, mais la direction prise reste au moins aussi exaltante. J’ai une aversion particulière pour les jeux d’argent et autres paris en tout genre, en revanche le jeu par lui-même me fascine même si je suis loin d’en saisir toutes les subtilités. Nous allons suivre Julien Kirby, qui vient de quitter l’armée, et rentre chez sa mère et, sans argent, et se décide à se participer dans les parties clandestines organisées avec les gros joueurs, les riches accrocs à l’adrénaline, à la gagne, au suspens, au bluff. Les choses ne se passent pas comme prévu, en toute logique narrative, et Kirby va se retrouver avec le corps d’un oligarque russe, malencontreusement tombé dans les escaliers (et non, pour une fois, ce n’est pas Vladimir le responsable.). On connaît l’histoire, les oligarques russes ont les bras plutôt longs, cette mort inexpliquée n’est pas susceptible de rester longtemps inexpliquée. Quelques années plus tard, c’est une course effrénée de partie en partie que la vengeance posthume de l’oligarque mort va revenir façon boomerang dans la vie de Julien Kirby, et va finir en une fuite en avant dans les montagnes désertiques.

J’ai déjà eu l’occasion de lire un polar qui prenait pour décor les parties de poker clandestines, notamment Joueuse de Benoît Philippon : à la différence de ce roman-là qui prend pour décor les milieux plutôt privilégiés des femmes et hommes qui recherchent davantage le frisson et l’adrénaline du jeu, celui de Philippon se déroulaient davantage dans les tripots de lugubres arrière-boutiques. Ce qui m’a plu ici, c’est que notre protagoniste n’a rien du joueur surdoué, planqué, qui fait tapis à chaque fois et s’en sort avec un carré d’as, bien au contraire, il est plutôt du côté des dettes de jeu. La surdouée, c’était sa mère Michèle, qui l’a initié au jeu, grâce ou à cause de laquelle il est tombé dans la marmite. Pas de temps mort pour ce thriller qui va nous amener devant les tables de jeux les plus illégales qui soient jusque sur les routes du Luxembourg et les villages des montagnes enneigées. La nature même du poker attise généralement très bien la tension narrative : les dettes de jeu ne laissent guère place à la pitié et au repentir, on le sait, elles sont à la source d’un nombre non négligeable de règlement de compte en tout genre.

J’ai aimé ce roman parce qu’on a un Julien Kirby un peu sombre, légèrement déconnecté de la réalité qui l’entoure, un solitaire, qui finit par n’avoir plus rien à perdre. Que l’auteur ne prêche pas d’un optimisme béat et forcené, usant de tours et détours abracadabrantesques pour maintenir son personnage en vie : point de tueurs à gages tchétchènes à la poursuite de notre joueur malchanceux. On profite des quelques parties de cartes pour étancher notre soif du jeu, j’apprécie particulièrement de le faire par un intermédiaire qui prend les risques pour moi et qui, par la même occasion, explique au lecteur débutant le jeu et ses règles.

À l’époque, le cirque télévisuel avait pris toute la place. Comme l’ombre de Poutine planait, les journalistes ont ressorti les histoires passées, l’origine de la fortune familiale et de la société MFA, cette milice privée. Ils avaient tenté d’interroger la famille, les proches, puis les proches des proches et d’anciens mercenaires, et même le directeur d’un casino où le mort avait ses habitudes. Les chaînes d’info s’étaient invitées à toutes les portes, donnant la parole aux spécialistes de la politique russe, puis aux voisins qui n’avaient rien vu, rien entendu. Au milieu du brouhaha, les flics avaient perdu leur boussole.

C’est un bon polar qui devient assez vite addictif, je ne pensais pas qu’il prendrait la direction qui fut la sienne en dernière partie de récit, et c’est, ma foi, un bon choix. Le chapitre liminaire donnant à voir les quartiers pas des plus chics de Paris réussit à ancrer le roman dans une forme de réalisme bienvenue, loin des futilités décoratives, et peu subtiles que certains romans policiers peuvent être empreints. La littérature noire et française nous réserve décidément de bonnes surprises, loin des PJ, commissariats, sections de recherche diverses et variées. Merci à Kubik Éditions pour cette lecture très distrayante, que j’ai savourée jusqu’au bout du bout.

Les Editions Kubik, c’est aussi

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